Après deux mois d’arrêt de l’économie, la situation est critique. 61% des TPE-PME de la région craignent la faillite. C’est le résultat d’une enquête menée par la Confédération des petites et moyennes entreprises Sud. État des lieux et propositions pour éviter le KO technique !

Entre délivrance et inquiétudes. Le 11 mai marque le point de départ d’une nouvelle phase dans ce contexte sanitaire actuel. Les entreprises à l’arrêt depuis deux mois vont pouvoir relancer leur activité, mais à quel prix ? « On repart, oui, mais avec un couteau dans le bras ! ».

Depuis quelques jours, Jean-Luc Mengual a repris le chemin de ses salons de coiffure dans le centre-ville de Marseille, et non sans crainte. Pas de la mise en place des mesures sanitaires déjà très présentes dans la profession, mais pour la survie de ses établissements, situés avenue du Prado, rues de Rome et Paradis.

« Les enjeux sont lourds »

Ces dernières années, les rénovations dans le cœur de ville, l’arrivée du tramway, les manifestations des gilets et même le prélèvement à la source… ont impacté son commerce : « entre 2010 et 2019, j’ai perdu la moitié de ma chalandise, soit 30% de mon chiffre d’affaires ».

Et quand timidement l’activité semble repartir à la hausse (+10 à 15%), au début l’année 2020, c’est une nouvelle déconvenue pour ce chef d’entreprise. « On a perdu beaucoup d’argent pendant deux mois. Certains de mes confrères ne s’en relèveront pas et vont mettre la clé sous la porte », souligne Jean-Luc Mengual, qui a eu recours au prêt garanti par l’État.

Une solution de secours qui laisse planer « une vraie crainte. Il va falloir le rembourser. J’ai d’autres crédits en cours, car on a déplacé un des salons et rénové un autre. Les enjeux sont lourds, c’est aujourd’hui la survie de mon foyer, de mes enfants et de leurs études qui sont en jeu ». , La CMPE Sud mobilisée pour empêcher la faillite des TPE-PME de la région, Made in Marseille

Plus d’une entreprise sur deux craint la faillite

Selon une enquête* réalisée par la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME Sud), sur le territoire Provence-Alpes-Côte d’Azur, comme Jean-Luc Mengual, 61% des TPE-TPE craignent une faillite. C’est plus d’un entrepreneur sur deux.

92% observent une baisse de leur chiffre d’affaires, de plus de 50% pour 65% d’entre eux. 85% des entreprises sont à l’arrêt total ou quasi total. « C’est pourquoi depuis le début de la crise nous alertons le gouvernement sur l’annulation des charges. L’État a répondu favorablement pour le secteur de la restauration, l’hôtellerie, l’événementiel… comme l’a annoncé Gérald Darmanin, et c’est assez satisfaisant sur ce point », déclare Alain Gargani, président de la CPME Sud. Une petite victoire, alors que s’annonce une série de batailles pour relancer l’économie et survivre à la crise.

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La CPME Sud milite pour un maintien du chômage partiel à taux plein

À l’heure du déconfinement, des préoccupations des patrons demeurent, au premier rang desquelles le maintient du chômage partiel. En France, plus de 11 millions de salariés du secteur privé bénéficient de ce dispositif, soit plus de 900 000 entreprises.

Dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les derniers chiffres font état de quelque 60 000 entreprises (92% ont moins de 20 salariés) qui ont adressé des demandes d’activité partielle à la Direccte. Plus de 40 000 entreprises ont reçu une aide financière de l’État pour un montant total de plus de 60 millions d’euros. La CPME milite pour la « continuation de l’allocation partielle », au risque de voir une vague de licenciements dans les prochaines semaines.

L’exécutif l’a répété lundi, le chômage partiel ne va pas s’arrêter le 11 mai. « Tous les secteurs qui ne peuvent pas opérer continueront à bénéficier du chômage partiel à taux plein », a indiqué la ministre du Travail, Muriel Pénicaud.

« La trésorerie, c’est le nerf de la guerre »

En revanche, il est bien question d’adapter le dispositif afin de diminuer la prise de l’État. Une partie des salaires que tous les employeurs ne seront pas en capacité d’assumer, du moins dans les premiers mois. Toujours selon l’étude, 45% des entreprises disposent seulement d’un mois pour couvrir les charges d’exploitation, et une entreprise sur deux subit des retards de paiement. « La trésorerie, c’est le nerf de la guerre », reprend Alain Gargani.

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La crainte plane, et s’ajoute au manque de trésorerie, les frais relatifs à la reprise de l’activité, pour protéger les collaborateurs. Gel hydroalcoolique, masques, visières de protection, Plexiglas… À 0,95 centime d’euros par masque, multiplié par deux/jour et par le nombre de collaborateurs, la facture peut vite grimper.

Ainsi, pour faciliter la reprise, la CPME demande des annulations de charges et la gratuité des masques et des équipements pour la protection des salariés.

Elle milite aussi sur la nécessité de clarifier et de limiter la responsabilité civile et pénale de l’employeur qui pourrait, en l’état actuel de la législation, se voir mis en cause quand bien même il aurait fait diligence pour mettre en œuvre des mesures de protection sanitaire de ses salariés.

Le spectre des licenciements

Pour faire face à leurs frais, le Prêt garanti par l’État (PGE) constitue un apport d’oxygène, tout relatif. 90% des entreprises qui ont recours à ce « soutien » sont des TPE, « preuve que les entreprises n’ont pas le chiffre d’affaires nécessaire pour pouvoir continuer. Il y a, par ailleurs, encore de très nombreux refus, c’est très inquiétant, sans compter qu’elles savent qu’il va falloir rembourser », assure Corinne Innesti, présidente de la CPME13.

Bertrand Fluter, patron d’une entreprise événementielle (Axene) basée dans les Hautes-Alpes est dans ce cas. « On passe notre temps à faire des dossiers. Deux de nos banques ne veulent pas nous faire de réponse écrite, car elles savent que la Banque de France va leur imposer de faire ce prêt. Les jours vont être sombres, et l’on manque de visibilité. Dans notre secteur, on fait beaucoup de mariages. Tout se reporte. On accepte les reports jusqu’à 18 mois mais d’un autre côté, rien ne rentre ». S’il tente de préserver ces cinq salariés, les intermittents qui interviennent régulièrement ne pourront en revanche pas être sauvés.

Transformer le prêt garanti par l’État en obligation

Même constat pour le patron de Lothantique, dont le siège est à Pertuis, et qui fabrique des parfums et des cosmétiques. Lui qui devait fêter en 2020 le centenaire de la société a bien cru célébrer son enterrement. Et rien n’est gagné bien au contraire ! Malgré un PGE de 1,5 million d’euros, attribué en un temps record, les reports de charge, les reports d’annuité d’emprunt, de loyer… « je pense qu’on ne pourra pas passer à travers des licenciements, c’est une évidence », confie Denis Vogade.

Pour éviter un KO technique, la CPME propose d’étendre le remboursement du PGE à dix ans, et non à 5 comme prévu actuellement. Denis Vogade va même plus loin : « transformons le prêt garanti par l’État en obligation, que ça devienne du capital pour ne pas avoir à le rembourser et là peut-être que l’on pourra s’en sortir, car quoi qu’on en dise la reprise du business n’aura pas lieu de 11 mai, la saison touristique est morte, on va souffrir énormément ».

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Lancement de la box « Protégeons nos salariés »

Pour préparer le « jour d’après », la CPME a lancé une initiative régionale en partenariat avec l’entreprise Antilope: la box « Protégeons nos salariés ». Elle contient trois masques en tissu lavable homologué, une lotion hydroalcoolique de 250 ml et une boîte de 200 lingettes antiseptiques, des produits uniquement français, souligne Alain Gargani, appelant à une généralisation de la consommation française y compris dans les grandes surfaces.

10 000 box sont actuellement en production dans une entreprise marseillaise, et seront livrés le 11 mai. Elles seront vendues à 16 euros (prix coûtant), avec une reversion de 1,50 euro à la recherche contre le covid-19.

Les entreprises pourront acheter ces box pour les distribuer à leurs salariés. EDF ou encore l’ordre des experts-comptables ont déjà passé commande. L’achat individuel est également possible à cette adresse.

Le volume devrait doubler en raison de la demande avec une nouvelle livraison prévue entre le 17 et le 25 mai. L’idée a été reprise au niveau national et pourra être généralisée.

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© Antilope

20 propositions pour aider à la relance

En plus de cette initiative, la CPME a mis en place un groupe de travail qui planche sur trois sujets : le rôle du politique dans cette vision d’avenir, comment accompagner le changement ? Et comment aider les entreprises en danger ?

20 propositions vont ensuite être remises d’ici à la fin du mois, à la CPME nationale, qui sera le porte-voix pour les communiquer au gouvernement. Le « consommer local » y occupe une place importante.

* Un questionnaire a été envoyé aux 70 000 adhérents de la CPME Sud. 1450 entreprises ont répondu.

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