Pour tenter de renouer le dialogue, désamorcer les non-dits, former un mouvement d’opposition populaire capable de prendre Marseille en 2020, Jean-Luc Mélenchon (LFI) a organisé une réunion de médiation, entre le Printemps Marseillais et le Pacte Démocratique, qui ont pris leurs distances. Pas d’accord, mais des discussions et des « points de rencontre ». 

Ce matin-là, au siège de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon est un peu fatigué, mais il est un « optimiste mesuré ». Il faut dire que la réunion de la veille a emmené ses participants jusque très tard dans nuit. Sur l’initiative du leader de la France insoumise, libéré, délivré, de toute ambition personnelle, à faire valoir dans la cité phocéenne, la rencontre faisait office de médiation entre le Printemps Marseillais (PM), le Pacte Démocratique et les syndicats CGT et Solidaires qui se sont éloignés ces dernières semaines. « J’ai bien senti qu’on était à la limite à partir de laquelle, les ruptures deviennent irréversibles. Et il faut savoir les stopper à temps, quand on peut les stopper », déclare le député de la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône.

Une petite mise au point « dans la bienveillance », pour tenter de ramener au centre du jeu l’enjeu : réussir le rassemblement de l’opposition populaire marseillaise pour gagner la Ville en mars 2020. Dans la salle, il a vu le quadrillage complet de l’ensemble des quartiers de la cité phocéenne. « Un attelage social pareil, un savoir-faire politique et associatif comme ça, ça n’a pas d’égal », souligne Jean-Luc Mélenchon, qui leur a lâché dans la soirée : « Vous êtes terribles. Vous ne vous rendez pas compte de la chance que vous avez, il y a des dizaines de villes où il n’y a rien du tout, savourez, je vous prie ! »

, Jean-Luc Mélenchon se place en conciliateur pour sauver l’union populaire, Made in Marseille

Difficile, car il y a quelques semaines, le processus général de rassemblement des forces alternatives s’est enrayé, plombé par des caractéristiques et des passifs parfois gênants. D’un côté, les organisations traditionnelles de la gauche, majoritairement regroupées au sein du Printemps Marseillais, « faisant un effort de renouvellement de ses méthodes ». Et de l’autre, un mouvement construit autour des Etats généraux donnant naissance au Pacte Démocratique, incarné par une série de (collectifs) citoyens, avec lesquelles, et c’est de notoriété publique, Jean-Luc Mélenchon a des accointances.

Chacun possède son mode d’organisation. Ses propres règles. Et les insoumis se retrouvent dans toutes les composantes de cet ensemble. « Je ne vais pas les changer, leur discipline est toujours une discipline consentie. On est à l’image de la société. Le Printemps Marseilllais n’est pas à des années-lumières de nous, pareil pour le Pacte. Moi, je ne veux pas que le sigle « insoumis » soit celui d’une organisation politique comme une autre, perdue dans les magouilles, les accords, et les palabres, je ne veux pas de ça ! »

Les Verts tracent leur chemin

C’est pourtant « ce cartel de partis » que dénonçait Sébastien Barles. Le premier grain de sable dans des rouages qui semblaient bien huilés (sur le papier), pour glisser lentement, mais sûrement, vers une convergence, est venu d’Europe Ecologie – Les Verts. Le mouvement a fait le choix de quitter ce qui s’appelait à l’époque le Mouvement sans précédent devenu Printemps Marseillais. « Un mauvais signal », juge Jean-Luc Mélenchon. Ils ont d’ailleurs séché la réunion collective, se fendant d’une lettre « pleine d’humour », saupoudrée de « mélanchonisme », comme un retour à l’envoyeur. Etonné de voir Jean-Luc Mélenchon intervenir comme « unificateur », Sébastien Barles a, en effet, emprunté ses expressions les plus populaires, pour lui expliquer les raisons de leur non-participation à la réunion.

Une absence incompréhensible pour l’insoumis en chef. « Ils auraient pu venir s’expliquer, si on ne se parle pas, c’est quand même une histoire de fous », regrette-t-il, évoquant le fait que leurs motifs de faire cavalier seul restent « assez obscurs », usant même « d’éléments de langage qui étaient les nôtres jusque-là ». Entre « soupe de logos » et nécessité de renouvellement, il dresse le constat selon lequel les directives nationales ont eu raison de l’union.

« Pas du tout ! », assure Sébastien Barles, chef de file EELV. « Notre parti se différencie justement par sa subsidiarité, en tant que parti fédéral, le national est justement à cheval sur le fait de tenir compte des spécificités locales, surtout pour une élection municipale ».

Lui distingue le Printemps Marseillais, avec lequel « ça reste compliqué, car la rupture est consommée » et le Pacte Démocratique, qu’il rencontre ce soir, et qui « incarne la dynamique citoyenne que nous voulons mettre en œuvre. On ne veut pas d’une union de la gauche aux forceps, d’un projet qui met l’écologie sous cloche ». Dans ce sens, les Verts mettront des idées sur la table, avant la mi-décembre, invitant « tous ceux qui les partagent à venir nous rejoindre ».

La place du PS en question

Autre petit cailloux dans la chaussure comme un frein au rassemblement : la place du PS. « Une tête de liste socialiste à Marseille, ça ne s’envisage pas pour la plupart des gens que j’ai vu. S’ils étaient tous d’accords sur ce point, on dirait « ça passe par là », mais ce n’est pas le cas », confie Jean-Luc Mélenchon, rappelant qu’il y a encore trois ans le parti était au pouvoir. À Marseille, la formation politique est abîmée, sédimentée « par des problèmes et des personnes. Ce que je trouve frappant, c’est que des socialistes ne comprennent pas ce qu’est le dégagisme. Ils font partis du passé », surtout « s’ils sont préoccupés par des objectifs politiques, à savoir combien d’élus » ils placeront sur les listes, « ce n’est pas le sujet… »

Aucune attaque personnelle contre les membres socialistes du PM se défend Jean-Luc Mélenchon, à commencer par Benoît Payan, qui fait l’objet de critiques ces derniers jours. « Ce n’est pas sa personne qui pose problème, c’est ce qu’il représente. » Se délester de son étiquette – comme l’a fait Samia Ghali – serait-il un atout pour revenir dans les bonnes grâces et peut-être porter la liste ? « C’est un garçon estimable, intelligent, c’est à la portée de tout le monde de prendre les bonnes décisions. On ne peut pas être autre chose que la personne d’une situation, il faut avoir cette modestie de le comprendre. »

Benoît Payan retenu par d’autres engagements lors de la conciliation, saluait hier lors de son facebook live, l’effort de Jean-Luc Mélenchon « d’avoir voulu nous rassembler », soulignant toutefois « on n’a pas besoin de sauveur suprême, mais de Marseillais, d’insoumis dans le sens pur du terme, de respect. Je crois en l’intelligence collective et je crois qu’on va y arriver, personne ne peut nous guider, et nous tenir la main ».

Dans la perspective d’un rassemblement,  « il ne veut pas être réduit à une étiquette politique », ni envie « d’être un socialiste, que Jean-Marc Coppola soit un communiste ou que Michèle Rubirola soit une écologiste. Je suis d’abord Marseillais, avant d’appartenir à un parti politique et je veux qu’on se rassemble.»

Comme Benoît Payan, Sophie Camard (LFI) « croit au dépassement des forces politiques en place ». Pour elle, « si c’est une tête de liste au nom de la France Insoumise, qui met tout le monde dernier elle, ça ne marchera pas, si c’est le PS qui met tout le monde derrière lui, pareil, il faut arriver à trouver une synthèse, un dépassement de ça », nous confiait-elle dans notre Clap ! Politique.

Un positionnement avant la trêve des confiseurs

Une position claire, même si Jean-Luc Mélenchon voit en elle « la personne idoine » pour mener une liste. « Mais si ce n’est pas elle, ce n’est pas grave, elle-même le dit, voyons d’autres noms. Essayons d’enlever les œillères. » D’autant que le portrait-robot qui se dessine actuellement penche vers celui d’un profil issu de la société civile, et non membre d’une organisation politique. « Alors ça sert à rien de tourner autour du pot, on en parle », ajoute le député LFI.

C’est justement ce que les parties prenantes vont faire à l’occasion de « points de rencontre ». C’est ce qui a été proposé et accepté, jeudi soir. Ils porteront sur le programme, les candidatures, et la méthode d’implication populaire, « car ça a de l’importance pour tout le monde, ça en a pour moi, parce que si les élections servent à quelque chose c’est à élever le niveau d’auto-organisation dans les villes. » Un dispositif approuvé par la CGT [qui a rejoint le Printemps Marseillais au début du mois, ndlr]. Quelques membres été présents, dont Olivier Mateu. Le secrétaire général de l’Union départementale CGT 13 a été ferme, quant à la suite des événements, car il n’entend pas être déchiré entre deux mouvements. Pour Jean-Luc Mélenchon, d’ailleurs, que « la CGT se mouille » représente une force à préserver.

Le Printemps Marseillais, le Pacte et les syndicats doivent déterminer les dates de ces futures rencontres, alors que le temps presse. Les Insoumis ont d’ailleurs fixé au 13 décembre leur date butoir. Pas un ultimatum, « mais on tranchera à ce moment-là, car il faut bien qu’on adopte une position. Raisonnablement, il ne faudrait pas aller au-delà de la mi-novembre, avec la trêve des confiseurs. Il ne faut pas abuser de la patience de tout le monde. »

« Faire de Marseille un symbole »

Si Jean-Luc Mélenchon ne nourrit pas d’ambition personnelle dans la cité phocéenne, Marseille reste un enjeu de taille, à double titre : « Mon intérêt, c’est que la municipale tourne à la débâcle pour la République en marche. C’est mon seul intérêt. Il faut que le panneau stop apparaisse dans le paysage politique français, parce que Monsieur Macron a réussi à surmonter les crises en les aggravants ».

S’il n’y pas d’homme ou de femmes, de parti ou de mouvement providentiels « ça n’existe pas », Jean-Luc Mélenchon compte sur un sursaut démocratique pour mettre fin au règne de la droite. « A Marseille, peut-être du fait de la dislocation de tout, indépendamment des adhésions politiques, les gens même s’ils sont éloignés, peuvent avoir ce réflexe pour dire que, pour la respiration démocratique de la ville, il faut changer », explique celui qui a toujours dit « la ville doit accoucher de ses cadres ».

Il mise sur une vague « de dégagisme profond parce que les gens quel que soit leur étiquette politique comprennent que par salubrité publique il faut tourner la page ». La clé de voûte de ce raisonnement repose sur la réussite de ce rassemblement populaire, et sur le projet qui sera porter pour Marseille. « Si on est assez bêtes pour laisser les autres gagner, c’est que vraiment, on est bêtes, mais c’est la démocratie. Les Marseillais vont choisir, à nous de faire une proposition sérieuse. »

Si tous arrivent à trouver un terrain d’entente, pour Jean-Luc Mélenchon, ils seront tout simplement « irrésistibles » et « Les Verts devront réviser leur copie », analyse le député. 

Des conditions pour faire de Marseille, une ville symbole ? « Oui, je suis obligée de le dire, c’est la vérité. Comment dans une ville où on a une équipe épuisée, divisée, où la droite est divisée… Nous, on réussirait le tour de force de ne pas être capables de s’accorder. Oui, Marseille est un symbole ». 

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