Le 16 septembre, le conseil municipal devra se prononcer sur l’attribution des marchés pour réaliser le fameux audit des écoles marseillaises. La méthode ne fait (toujours) pas l’unanimité.

470. C’est le nombre d’écoles que gère la Ville de Marseille. Soit 80 000 élèves qui ont effectué leur rentrée des classes ce lundi 2 septembre… dans des conditions différentes en fonction des secteurs de la ville. Le sujet des écoles marseillaises est au cœur de l’actualité depuis des années, et reste l’une des préoccupations majeures des Marseillais-es, et de la municipalité. Il s’agit du premier budget de la Ville, avec 224 millions d’euros alloués pour l’année 2019.

Après l’annulation le 12 février dernier, par le tribunal administratif, du PPP (partenariat public-privé) des écoles, qui prévoyait la démolition et la reconstruction de 28 écoles « Geep » d’ici à 2025, un audit a été commandé par la municipalité. Une demande qu’appelait de ses vœux le Collectif contre les PPP devenu collectif Pré (pour la rénovation des écoles) à l’origine du recours. Même si la municipalité LR a interjeté appel, elle a consenti à lancer une analyse pour expertiser la totalité du parc écolier de la cité phocéenne.

L’attribution des marchés devrait être validée à l’occasion du conseil municipal de rentrée, le 16 septembre. Un marché divisé en deux lots : 204 écoles du sud et de l’est de Marseille et 241 pour le centre et le nord (il restera à intégrer les 25 écoles qui n’étaient pas comptabilisées jusqu’à présent). Selon les informations du collectif Pré, les marchés devraient être respectivement attribués à l’entreprise Apave pour 581 000 euros et Qualiconsult pour 1,5 million.

Cette solution ne fait pas l’unanimité auprès du Syndicat des architectes 13 qui regrette que la Ville n’ait pas suivi ses recommandations. « Le principe de l’audit est une bonne chose », assure Maxime Repaux, conseiller au sein du syndicat, « mais nous souhaitions une consultation ouverte avec une équipe pluridisciplinaire, composée d’une quarantaine de personnes dont des architectes. Ce qui faisait un dizaine d’écoles par agence. » Le syndicat préconisait, en effet, la division de l’audit en plusieurs lots, avançant le fait qu’une cinquantaine de cabinets pouvait répondre favorablement (l’ordre des architectes compte 900 architectes).

La Ville ira jusqu’à la fin de la procédure d’appel

Une méthode difficile à mettre en oeuvre selon Yves Moraine, chef de file LR au conseil municipal : « On a considéré que dix ou vingt écoles, ce n’était pas envisageable car il n’y a pas 50 sociétés spécialisées. Mais de manière à ce qu’une seule société n’ait pas les 470 écoles à auditer, deux lots ont été constitués par la commission des marchés pour des raisons d’efficacité et de rapidité », explique-il, sans vouloir commenter des procédures de marchés publics confidentiels.

Si la Ville ira jusqu’à la fin de la procédure d’appel, parallèlement elle planche sur une solution alternative qui privilégierait une maîtrise d’oeuvre publique (MOP). Une manière pour le prochain maire de Marseille d’avoir le choix. « Si la cour administrative d’appel maintient l’annulation du PPP, il aura le plan B, si elle infirme la décision, le maire pourra choisir entre les deux solutions », explique le maire des 6ème et 8ème arrondissements de Marseille.

Une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage lancée par la Ville

Dans le cadre de l’étude de montages alternatifs au marché de partenariat, une « mission d’assistance  à maîtrise d’ouvrage » a été lancée par la Ville au printemps. Elle comporte quatre lots pour une expertise « programmatique et technique, juridique et financière, environnementale et conduite du changement ». « Dans cet appel d’offre, il semblerait qu’ils laissent tomber, le choix du PPP », reprend Maxime Repaux, « mais c’est pour mieux revenir avec un marché global de performances », estime-t-il.

Ce qui présente, selon lui, le même handicap que le PPP, « puisque ça reste avec des grands groupes qui incluent les coûts d’exploitation et de maintenance. Cela pourrait paraître positif que l’on engage des entreprises sur ces coûts, mais cela représente un risque de faire payer à la fin à la collectivité une addition plus importante, parce que cela reste sur le même principe que le PPP ».

Le PPP remplacé par un marché global de performance ?

Les prix liés à l’intégration des coûts d’exploitation peuvent, en effet, sensiblement augmenter, alors que sur des bâtiments neufs à énergie positive [c’est-à-dire qu’ils produisent plus d’énergie (thermique ou électrique) qu’ils n’en consomment NDLR], « cela ne se justifie pas », affirme Maxime Repaux. « Même si on voit les vertus que peut avoir un engagement sur la performance énergétique, il me paraît inutile de lancer des marchés globaux de performance quand on fait des bâtiments neufs à énergie positive ».

Il préconise une analyse plus fine et plus poussée, « avec un regard précis sur les coûts », une fois les bâtiments livrés ; et à laquelle les architectes pourraient être partie prenante. Car pour Maxime Repaux, avec ces procédures : « on ne joue plus notre rôle de garde-fou entre le privé et le public ».

Au regard de ces marchés globaux de performances et en se référant à la présentation de la « mission » qui fait état d’une étude comparative de différentes procédures, le syndicat craint que la Ville ne conserve le principe de démolition et reconstruction des écoles Geep : « Nous avons démontré, chiffres à l’appui, que ces écoles pouvaient faire l’objet de réhabilitation. Engager un programme de réhabilitation, plutôt qu’une déconstruction-reconstruction des 32 écoles Pailleron, permettrait une économie de 300 à 400 millions d’euros. Mais l’appel d’offres stipule dès l’introduction que les possibilités de mises aux normes d’accessibilité sont à la fois réduites et coûteuses. En fait, nous avons pratiquement les conclusions dans l’introduction. La Ville nous a suivi sur le principe général, mais dans le détail non. C’est dommage ».

La démolition et reconstruction : la meilleure alternative selon Yves Moraine

Pour le syndicat, la maîtrise d’ouvrage public (MOP), « conforme à la loi sur l’architecture reste la seule procédure, certes ancienne car elle date de 1978, mais qui a fait ses preuves. Elle permet de garantir en toute indépendance et au mieux la défense de l’intérêt public ». Yves Moraine « persiste à penser » que la démolition/reconstruction « d’une trentaine d’écoles, et la création de 20 supplémentaires, est difficilement à la portée d’une collectivité territoriale, si on veut le faire dans les plus brefs délais, et cela quelle que soit le processus de recrutement qu’elle met en œuvre ».

La cour administrative d’appel étudiera la demande de sursis à exécution formée par la Ville le 16 septembre, en même temps que l’appel de l’annulation du PPP. Le Collectif Pré et le syndicat des architectes 13 continuent de rester « vigilants » sur la suite et devraient s’exprimer officiellement après cette date.

Et du côté du gouvernement ? L’amendement porté par la députée LREM Cathy Racon-Bouzon, dans le cadre de l’examen de la loi  « pour une école de la confiance » en avril dernier n’existe plus. Elle y demandait un rapport exhaustif de l’état des écoles marseillaises garanti par des experts. Elle avait parallèlement demandé au préfet de région et au recteur de l’académie Aix-Marseille de se mobiliser sur cette question. « La pression est maintenue », affirme la députée « et selon les remontées des directeurs d’écoles, 25% des écoles nécessitent de grosses interventions dont une partie sont très lourdes ». Cathy Racon-Bouzon est, par ailleurs, en discussion à l’Assemblée nationale pour mettre en place une mission d’études spéciale sur le bâti scolaire « pour ne pas relâcher la pression. Ce sujet est bien connu y compris par le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer », précise la parlementaire.

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