Images saisissantes, messages percutants… Le jury de l’académie Aix-Marseille a récompensé des élèves de primaires, collèges et lycées, à l’occasion du concours « Non au harcèlement », organisé par le ministère de l’Éducation nationale. Les 9 projets sélectionnés sont qualifiés pour le concours national, dont les résultats seront dévoilés le 3 juin.
« C’est un prix qui trouve sa place pour changer les mentalités. D’autant plus que nous sommes dans une ère où les réseaux sociaux ont amplifié le phénomène bien que la parole à ce sujet se soit libérée». Une entrée en matière directe de Bernard Beigner, recteur de l’académie d’Aix-Marseille, lors de l’ouverture de la cérémonie de remise des prix vendredi 24 mai, au lycée Paul Cézanne à Aix-en-Provence. Le concours a mobilisé 1700 élèves de 8 à 18 ans dans toute l’académie. La participation à ce prix est collective et s’inscrit dans le cadre d’un projet de lutte contre le harcèlement, mené au sein de l’établissement. Tous ont ainsi planché sur ce thème de deux manières : à travers avec une affiche dont le slogan devait être lisible jusqu’à 3 mètres de distance, ou avec une vidéo d’une durée maximale de 2 minutes.
Le jury académique a reçu 31 affiches et 43 vidéos, qu’il a départagé le 1er mars. Au total se sont 6 prix « Non au Harcèlement », 2 prix spécifiques au «Harcèlement sexiste et sexuel», un prix «Cyber Harcèlement» et un prix « Coup de cœur académique » qui ont été remis. Ils sont attribués selon la tranche d’âge et le support utilisé.
Un appel à « l’AIDE »
C’est le collège Fraissinet de Marseille qui a conquit le cœur du jury. Il obtient le prix spécial «Coup de cœur académique», et un chèque de 1000 euros remis par M.Amo, vice-président national de la Mutuelle d’assurance de l’éducation. La vidéo en noir et blanc dénonce le harcèlement scolaire moral et physique sous le slogan « AIDE : Adolescents Isolés Dangereusement Exclus». Dans ce court-métrage, les élèves n’ont pas hésité à décrire les caractéristiques du harcèlement ainsi que ses conséquences. Le prix en poche, ils ont confié leur volonté de multiplier les initiatives de sensibilisation au sein de leur établissement, notamment sur les réseaux sociaux.
Fléau de tout âge
Parmi les 4 écoles participantes, deux ont reçu le prix « Non au harcèlement». La classe de CM1 de l’école Le Merlan de Marseille a été récompensée pour son affiche en couleur, intitulée «Je vois tu entends il parle, nous l’aidons vous intervenez ils arrêtent. Tous ensemble agissons ». Les CM1 de l’école Auguste-Benoît ont décroché également un prix pour leur court-métrage. Les élèves ont voulu valoriser la «Médiation entre pairs» , véritable «outil contre le harcèlement», dont ils se disent satisfaits.
Les collèges de l’académie ont eux aussi été distingués pour certaines de leurs créations. Les élèves de René-Seyssaud (Saint-Chamas) ont décroché le titre de lauréat pour leur affiche «Tu veux jouer un rôle, joue le bon». Méline Nicolas, surveillant, a ainsi expliqué que le projet s’est développé avec un groupe d’élèves volontaires membres du conseil de la vie collégienne. «L’affiche n’est qu’un support pour leur permettre d’en parler. En fait, ils ont beaucoup de mal à discerner le harcèlement scolaire. Parfois c’est l’effet inverse qui arrive, les élèves crient au harcèlement pour de simples disputes. Pour nous, il s’agit de valoriser la discussion afin qu’ils comprennent ce qu’est le harcèlement et comment l’éviter».
Pour rappel, le conseil de vie collégienne ou lycéenne (CVC et CVL) est une instance de réflexion et de consultation destinée à formuler des propositions pour améliorer la vie scolaire au sein d’un établissement. Il s’agit surtout de promouvoir le vivre ensemble.
Le collège Camille-Claudel de Vitrolles a aussi su toucher le jury et le public avec un petit film digne d’un travail de professionnels. C’est en abordant le thème de l’homophobie que les élèves ont obtenu le prix «Non au harcèlement sexiste et sexuel». L’association Vatos Locos a contribué à la création du projet et a apporté son aide aux collégiens durant les deux jours de tournage.
Toujours dans la tranche d’âge des 12 – 15 ans, les 3èmes du lycée professionnel Maria-Cesares d’Avignon ont reçu le prix « Non au Harcèlement » grâce à leur choix de vidéo original, basé sur le dessin car jugé plus évocateur par les élèves participants.
Enfin, le seul prix sur le « Cyber harcèlement » a été remporté par le collège Les Hauts de Plaines de Laragne (05). L’acharnement sur les réseaux sociaux est illustré par des moqueries, insultes, et menaces infligées à une adolescente sur son profil.
Un engagement infaillible chez les plus grands
16 lycées ont candidaté au concours, et seulement deux ont reçu un prix, dont le lycée Dominique-Villars de Gap (05). Les lycéens ont réalisé un court-métrage particulièrement frappant. Les images glacent de par leur réalisme et leur violence. A son visionnage, le public n’a pu que rester silencieux quelques secondes avant d’acclamer le savoir-faire et l’engagement de ces élèves.
Les lycéennes de Paul-Langevin (Martigues), quant à elles, ont livré des témoignages frappants suite à la récompense de leur affiche «L’habit ne veut pas dire oui». Les 4 jeunes filles ont été distinguées dans la catégorie «Harcèlement sexiste et sexuel», et ont pris la parole devant l’auditoire. Elles ont ainsi confié être elles-mêmes concernées par le sujet. «Le harcèlement que nous subissons vient très souvent de nos habits ». Du haut de leur jeune âge, elles ont listé les réactions dégradantes de certains hommes à leur égard : « Est-ce normal qu’on prenne mes fesses en photo parce que je porte un short? Est-ce normal que certains hommes portent un regard inapproprié sur moi quand je fais les magasins?», expliquent-elles devant un public stupéfait. «C’est un sujet pour lequel on s’est beaucoup investie parce que c’est notre vie de tous les jours», évoque Jena. « On a peur de leur répondre quelque chose quand ça nous arrive, on n’ose pas, alors cette affiche était le moyen de leur dire d’arrêter», ajoute Maeva.
Eviter le harcèlement
«Les élèves ont déjà tous été concernés de près ou de loin par le sujet. Avec ces créations, ils s’expriment et nous apprennent des choses. Ce qui est important avec ce concours, c’est de leur faire prendre conscience de leur pouvoir d’agir, pour que chacun trouve sa place dans un groupe », explique Christine Roux, référente académique dans la lutte contre le harcèlement scolaire. Les projets abordent tous d’un angle différent, le harcèlement, «chaque tranche d’âge s’approprie le sujet. Les plus petits le vivent par des moqueries dans la cours de récréation, alors que pour les plus grands il s’agit de rumeurs, de jalousie…». Tous les âges ont su s’emparer d’un fléau qui perdure et se diffuse désormais dans leurs vies virtuelles.
C’est dans cette optique que des initiatives, comme ce prix, sont lancées. « On ne change pas les choses du jour au lendemain mais cela permet de renforcer des démarches plus pérennes, comme la médiation par les pairs et l’existence de conseils de la vie collégienne et lycéenne», déclare Bernard Beigner. Cette médiation est un moyen d’apaiser les tensions et de promouvoir la discussion. Elle est basée sur l’engagement d’élèves préalablement formés, qui interviennent lorsqu’un problème relationnel survient entre deux élèves. L’idée est de mettre en place un dialogue, afin de trouver une solution de gagnant-gagnant.
Enfin, comme expliqué sur les affiches et vidéos, le numéro vert 30 20 est à retenir. Destiné aux victimes et aux familles d’enfants harcelés, il est gratuit et ouvert du lundi au vendredi de 9h à 18 (sauf les jours fériés). Au bout du fil, de nombreux conseils et une prise en charge effective en cas d’harcèlement.