Au cœur du parc Kallisté (Marseille, 15e) dans les quartiers Nord, une bastide a été transformée en centre de santé, il y a un peu plus d’un an. Ce projet sanitaire et social prend peu à peu racine dans ce quartier défavorisé.
Le quartier Notre-Dame Limite porte bien son nom. Situé au fin fond du XVe arrondissement, derrière l’hôpital Nord, il marque l’extrémité de la ville. Sur ses hauteurs, on trouve plusieurs cités : Bourrely, Granière, Solidarité, parc Kallisté… Un amoncellement de barres d’immeubles et de tours dont le panorama à couper le souffle ne suffit pas à faire oublier la grande précarité des habitants qui y vivent. À Kallisté, « la plus belle » en grec, deux barres d’immeubles sont totalement vides. Elles attendent d’être déconstruites, trop dangereuses pour être habitées. Coincée entre elles deux, une belle bastide du XIXe siècle dénote dans ce paysage de béton.
16 professionnels de santé au milieu des barres d’immeubles
Inoccupée depuis de nombreuses années, la bâtisse était entretenue par un gardien. Elle abrite depuis janvier 2018, un centre médical baptisé le Château en santé. « Le projet remonte à 2012, nous avons eu l’idée avant le lieu. Il s’agissait de s’installer dans un quartier sous-doté en médecins et essayer de faire de la médecine autrement », nous explique Jérôme Camil, le gestionnaire du lieu. Le centre compte aujourd’hui 16 salariés : cinq médecins (dont deux comptent un diplôme universitaire en gynécologie), deux orthophonistes, deux infirmiers, deux médiateurs (qui sont aussi interprètes en comorien et kurde), un gestionnaire, une femme de ménage, une assistante sociale et deux postes de médecins remplaçants.
Un an avant l’ouverture du centre, un travail avec des anthropologues a été mené afin de faciliter l’intégration du projet au cœur de cette cité sensible. « On nous a dit de nous barricader, qu’on aurait des problèmes. En réalité, on n’a eu aucun souci, les gens sont adorables et tout se passe bien », se félicite Jérôme Camil. À travers la fenêtre, on aperçoit un guetteur prendre place pour surveiller les éventuelles descentes de police. Le réseau de stupéfiant tourne tous les jours ici, mais n’a, jusqu’alors, pas eu de conséquences sur l’activité du Château en santé.
Une philosophie hors-du-commun
Côté soin, la structure mise sur un accompagnement renforcé des patients. « On ne veut pas être une machine à distribuer des médicaments, on va miser davantage sur la prévention, l’écoute et la présence pour aider les patients lorsque c’est possible », détaille Jérôme Camil. Les praticiens du centre sont également vigilants sur les pathologies liées à l’habitat dégradés notamment. Les copropriétés environnantes présentent bien souvent des problèmes pouvant entraîner des maladies (nuisibles, amiante, mauvaise isolation…). Des réunions destinées aux femmes, des informations périnatales ou encore des sorties au grand air sont également organisées par les équipes du Château en santé.
En matière de gestion, le centre médical a opté pour une option hors-du-commun. « Ici, on n’a pas de direction, la gouvernance est partagée. Les décisions sont prises de manière collégiale, en assemblée. De plus, nous avons opté pour l’équité salariale entre les différents membres de l’équipe pour limiter les écarts de revenus entre les employés », indique Jérôme Camil. Outre la dimension sociale du Château en santé, celui-ci renferme une réelle dimension politique en ce sens qu’il expérimente un mode de gouvernance différent de celui pratiqué généralement.
Des soins et un jardin
À part cela, le Château en santé a tout du centre médical « classique » avec sa salle d’attente, ses prospectus de prévention ou encore ses cabinets médicaux avec table d’auscultation. La seule réelle différence se situe dans la décoration. À la place des murs blancs et ternes habituellement d’usage, on trouve des fresques colorées représentants la ville d’Istanbul ou des fables de La Fontaine. Il se dit qu’elles auraient été réalisées par des artistes italiens de passage lorsque la bastide était encore une demeure de famille bourgeoise et s’appelait la « Villa Valcorme » à la fin du XIXe siècle.
Le Château en santé, financé à 50 % par le public et 50 % en ressources propres, a investi un lopin de terre situé entre contrebas. Un jardin partagé a été établi à la demande des habitants. Il est entretenu par l’association « Accueil et rencontres » dont le but est de réaliser « des actions solidaires, d’insertion, de loisirs, d’éducation et de rencontres ». Des valeurs finalement assez proches de celles du Château en santé…
Une bonne idée, ce centre médical, tant pour les habitants du quartier que pour maintenir cette belle bâtisse. Tant mieux si il n’y a pas de problèmes… par contre j’imagine le cauchemar qu’a du être à l’époque, pour les propriétaires de ces bastides, la construction de ces cités bétonneuses…
Magnifique opération ! Quelle chance que cette bastide, tellement belle, ait résisté à toutes les destructions de bastides de la région marseillaise ! Et elle trouve là une belle reconversion ! Espérons que cette entreprise dure le plus longtemps possible, une nécessité pour la population de ce secteur vraiment laissé à l’abandon.