Julien Girardon a fondé Abricotoit, une société qui ambitionne de valoriser les espaces urbains en installant des potager sur des espaces inoccupés. Basé à Marseille, il mène aussi des projets sur Paris. Rencontre.
Nos villes étouffent. Pollution, manque de végétation, urbanisation dense, il est de plus en plus difficile de respirer. L’installation d’îlots de verdure peut régler une partie du problème. C’est en partie ce qui a motivé Julien Girardon à lancer sa société Abricotoit. L’objectif : installer des espaces verts sur les toitures d’immeubles. Pour le moment, il en a installé un, juste au-dessus du boulevard de la Corderie (7e). Son potager est situé dans l’enceinte du Sépia, un « restaurant bistronomique » ouvert il y a bientôt deux ans.
Ici, Julien cultive toute l’année des plantes aromatiques, des fruits, des légumes, des salades, du houblon ou encore des feuilles de tabac « avec lesquelles le chef avait fait des tests dans son fumoir, pour fumer des aliments ». Dans des bacs entreposés le long d’un muret, des fraises sont plantées, certaines commencent timidement à fleurir : « L’idée, c’est vraiment que le chef puisse proposer ponctuellement un produit et surtout une découverte gustative », explique l’homme d’une trentaine d’années.
« Une ville minérale »
La société Abricotoit a été créée en 2016, avec pour objectif d’installer des îlots potagers en zones urbaines. « Pour mes études, je suis parti quelques années de Marseille. En revenant, je me suis rendu compte à quel point cette ville est minérale », se souvient Julien. Un doctorat de biotechnologie végétale en poche, il ne rêve que de sortir des laboratoires et être d’avantage dans l’application et l’exécution de ses connaissances. Un projet se dessine alors dans son esprit autour de la revalorisation des espaces urbains à travers la végétation.
Aujourd’hui, Julien s’occupe du potager du jardin Sepia et délivre également des conseils à des bailleurs sociaux sur des aménagements de parcelles de résidences. Il a accompagné la brasserie la « Part Faite » (lire notre article) dans un projet participatif de production de houblon directement chez des Marseillais volontaires. « Ce dispositif d’adoption de houblon a reçu un franc succès puisqu’il a attiré 130 participants », nous explique Julien.
De Marseille à Paris
Si Marseille reste une ville que Julien souhaite développer à travers son concept, c’est à Paris qu’il progresse aujourd’hui. Depuis deux ans, la municipalité d’Anne Hidalgo a mis en place le dispositif « Parisculteur » qui vise à végétaliser la ville. L’objectif : 30 hectares d’espaces verts supplémentaires au sol ou sur les toitures d’ici 2020. « En amont de toute installation, les services municipaux paient des experts pour analyser les toits. Ce diagnostic nous permet de savoir combien de kilo de terre on peut installer par exemple », détaille Julien.
Ainsi, il a pu planter du houblon à Paris dans le 15e arrondissement. Il le revend ensuite à une brasserie locale. De fil en aiguille, il a aussi pu tisser des liens qui ont fait naître un nouveau projet de culture florale dans l’enceinte d’un complexe sportif de banlieue parisienne.
Les vertus de la végétalisation en toiture
Si la tendance aujourd’hui, de New-York à Marseille, est à la végétalisation des toitures, il faut savoir qu’on végétalisait déjà des toits au néolithique et que dans certaines cultures, la pratique perdure depuis des siècles. Et au delà de l’aspect esthétique et pratique de disposer de son potager sur le toit, des études sur la biodiversité et la protection de l’environnement ont montré d’autres effets positifs, notamment sur la qualité de l’air. Parmi eux, la capacité à produire de l’oxygène et absorber le CO2, à filtrer la poussière et la saleté de l’air, à absorber les particules nocives et à réduire les variations de température et l’humidité dans l’air. Les pièces qui se situent directement sous les toitures sont d’ailleurs mieux régulées lorsque les bâtiments sont dotés d’une couverture végétale.
Autre avantage, dans des milieux urbains très denses, les toitures végétales permettent d’absorber les eaux de pluies qui ne s’écoulent plus sur les toitures et ne déferlent ainsi pas dans les rues. Cela réduit le risque d’inondation et donc améliore la salubrité publique.
A l’inverse, la végétalisation des toitures connait aussi quelques contraintes qu’il convient d’anticiper avant de lancer un projet, notamment la charge supplémentaire de poids sur la structure et l’étanchéité, qui peut éviter les mauvaises surprises.