Le musée départemental de l’Arles Antique, qui possède l’une des plus célèbres collection au monde, vient de conclure un partenariat exceptionnel avec le musée paléontologique du Vatican, dans le cadre d’un échange des plus vieux bouts de tissus de l’Occident chrétien connus à ce jour. Reportage.
La semaine dernière, une délégation d’élus d’une trentaine d’élus du département des Bouches du Rhône, de la région Provence Alpes Côte d’Azur, de la ville de Marseille et de la métropole Aix Marseille Provence ont fait le déplacement à Rome pour lancer ce partenariat entre le Vatican et les collectivités locales. Une véritable démonstration de force des représentants du territoire provençal, menés par leur présidente Martine Vassal (LR).
Ce partenariat imaginé par Sabine Bernasconi, vice présidente du département en charge de la culture, concerne un prêt de deux mois, du 24 mars au 25 juin 2017, au musée du Vatican des tissus considérés comme les plus vieux de l’Occident chrétien, appartenant à Saint Césaire en 513 après JC… A une époque où Arles était l’une des capitales de l’Empire de la chrétienté occidentale, notamment grâce à sa position stratégique sur le Rhône et à un terroir très riche pour l’agriculture.
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— Martine Vassal (@MartineVassal) 22 mars 2017
Pourquoi ce partenariat ?
La collection d’archéologique chrétienne du musée départemental Arles antique est l’une des plus reconnues dans le monde, notamment pour les reliques de Saint Césaire, dit Césaire d’Arles, qui fut évêque de sa ville de 502 à sa mort en 542.
Au total, ce sont 11 reliques de Saint Césaire (VIe siècle) qui sont exposées au musée Pio chrétien du Vatican jusqu’à fin juin. En quelques sortes, un retour à la maison pour ces pièces exceptionnelles qui auront du patienter 1500 ans pour être affichées au grand jour, notamment pour le pallium (une étole de laine) reçu en 513 des mains du pape Symmague, lors d’une visite du de l’évêque arlésien au Vatican.
Pour Martine Vassal, il n’est pas question de remettre en cause les fondements de la laïcité à travers ce partenariat entre le Vatican et une collectivité territoriale « mais de montrer au monde entier l’histoire de la Provence à travers des objets exceptionnels« . Ce n’est d’ailleurs pas une première pour le musée d’Arles puisqu’en 2012, un partenariat avait déjà été opéré avec le musée du Louvre à Paris. « Nous avons fait le choix de ce partenariat pour montrer aussi que la Provence est ouverte sur le monde, généreuse, et qu’elle est déterminée à s’imposer comme un acteur central dans l’arc méditerranéen. »
Qui était ce Césaire d’Arles considéré comme le bienfaiteur du VIe siècle en Provence ?
Né près de Chalon-sur-Saône vers 470, Césaire devenu moine à l’abbaye de l’ile de Lérins, au large de la Côte d’Azur, à l’âge de 20 ans, avant de tomber malade et d’être envoyé par son abbé se faire soigner à Arles, où il rencontra l’évêque auquel il succéda en 502. A cette période, Arles étaient assiégée par les invasions de barbares : les Wisigoths furent chassés en 507 par les Ostrogoths, à leur tour chassés en 536 par les Francs. Face aux envahisseurs « païens », Césaire se fit l’avocat de la population locale. Il présida d’importants conciles provinciaux (notamment à Orange et Marseille) et fonda le premier monastère de femmes de toute la Gaule, avec des règles issues d’une synthèse des traditions égyptiennes et augustiniennes. Il fut par ses actions, considéré comme l’un des plus évêques de son temps, adulé par les Provençaux. Césaire était un contemporain de la Gaule mérovingienne, dirigée par Clovis (481 – 511) et ses fils (511 – 561).
Si aujourd’hui, les ecclésiastiques européens tentent d’en refaire un symbole de l’histoire provençale, le Saint d’Arles est une petite célébrité en Amérique, où il est l’objet de recherches très abouties depuis des décennies. Il a par exemple fait l’objet d’une soixantaine de thèses outre atlantique. Un universitaire venu de Washington avait d’ailleurs fait le déplacement à Rome avec la délégation provençale.
Les 11 reliques exposées au Vatican
L’exposition présente la tunique, la boucle de ceinture en ivoire et les chaussures en cuir ayant appartenu à Saint Césaire, ainsi que les deux étoles de laines remises par le pape Symmague à Saint Césaire.
Ces reliques, considérées comme les plus vieux bouts de tissus du monde Occidental chrétien témoignent d’une époque de grand changement pour le monde antique, entre la fin de l’Empire romain et l’émergence des royaumes de « barbares ». Et cette exposition est l’occasion d’en retracer son histoire, mais aussi de montrer les liens très forts qui unissaient les villes d’Arles et de Rome à cette période.
Claude Sintès, conservateur du musée Arles Antique, nous explique d’ailleurs que des bouts de la tunique ont été retrouvés récemment en rangeant une église à Arles « Ca a été découvert dans un bocal fermé qui était chez les soeurs carmélites du couvent d’Arles, il y a trois ans, à un moment où elles faisaient du rangement. Heureusement que la mère supérieure a eu l’intelligence de dire « on ne va pas jeter ça ! » et que nous derrière on a compris la valeur de cette relique« . Stéphane Cabanac, curé d’Arles poursuit « C’est réellement 15 jours après cette découverte que l’on a compris ce qu’il y avait dedans. La mère m’avait donné le bocal en me disant de regarder ce qu’il y avait à l’intérieur, mais comme nous étions très occupés, je n’avais pas pris le temps de le faire. Donc 15 jours plus tard, on ouvrant le bocal, j’ai vu un petit bout de papier où il y avait écrit « reliques de la tunique de Saint Césaire« … Une découverte bien chanceuse pour ce curé d’Arles, quand on sait qu’aujourd’hui il s’agit du plus vieux bout de tissu occidental connu.
Ce qui est étonnant quand on regarde de près ces reliques, notamment les chaussures de Césaire et sa tunique, c’est de voir comment elles ont été « déchiquetées », non pas par le temps qui passe, mais par les contemporains de Césaire qui le vénéraient tellement qu’ils n’hésitaient pas à lui arracher ses vêtements, en coupant des petits bouts, lorsqu’ils le pouvaient, en guise de bénédiction, comme nous l’explique Claude Sintès « Les Arlésiens aimaient tellement Césaire et croyaient en ses vertus bienfaitrices, qu’ils coupaient des bouts de sa tunique ou de ses chaussures lors de son passage, notamment le jour de son enterrement, pour se les poser contre leur peau en guise de pansement, pour se guérir de tous les maux, un peu comme si tout ce qu’avait touché Saint Césaire avait des pouvoirs de guérison« .
Des chaussures à la tunique que portait Césaire le jour de son enterrement, tout a été méticuleusement mis en valeur par les organisateurs de l’exposition.