Aux commandes du restaurant Rouge à Nîmes, la cheffe Georgiana Viou revient chez elle, à Marseille, pour faire la promotion de son livre retraçant son parcours « atypique » du Bénin à l’étoile Michelin. Rencontre.
Après avoir cuisiné pour 150 convives aux Grandes tables de la Friche, Georgiana Viou s’accorde un peu de repos à l’hôtel Mercure sur la Canebière. La cheffe étoilée nous reçoit avant de repartir dédicacer son livre « Oui cheffe ! Du Bénin à l’étoile Michelin, itinéraire d’une battante » paru aux éditions Michel Lafon mi-mars.
C’est Olivier Montels, ex-directeur adjoint des antennes et programmes France Télévisions, qui a initié ce projet littéraire. Au départ, Georgiana Viou était plutôt « flippée » à l’idée de se raconter. Mais la vague de messages saluant son « parcours inspirant », quand elle reçoit son étoile Michelin en 2023 pour son travail chez Rouge à Nîmes, l’a fait changer d’avis.
Seule condition : l’accord de ses enfants Steven, Paul-Arthur et Margot, sa « tribu d’amour ». Car Georgiana parle beaucoup d’eux dans cet ouvrage. Elle livre même des « choses qu’elle n’a pas pu leur dire en vrai ».
Sa première grossesse qui l’a poussée à arrêter ses études, son divorce, une agression sexuelle lors de son adolescence… La grossophobie, le racisme, le sexisme ont aussi jalonné son parcours « atypique », dès son arrivée en France pour suivre ses études. Mais Georgiana Viou n’en fait pas une fatalité.

Marseille dans la peau
Tombée dans la marmite de la cuisine il y a 15 ans, la cheffe de 48 ans est sans tabou et cherche sa liberté partout. Si elle travaille à Nîmes depuis 2021, elle revient toujours à Marseille avec la même envie. « C’est à Marseille que la cuisinière est née » avec son premier restaurant L’Atelier de Georgiana en 2011.
Puis Chez Georgiana en 2015 lui a valu le trophée Jeunes Talents et deux toques au Gault & Millau. La cheffe a aussi aidé Florent Manaudou au lancement de la Piscine sur le Vieux-Port en 2016. Son plongeur de l’époque, sans jeu de mots, l’avait suivi dans cette aventure. Une belle histoire puisqu’il est désormais à la tête du restaurant.
La béninoise devait aussi participer à l’aventure de la Casa Méditerranée aux côtés du chef Sébastien Richard, avant que le projet ne s’enlise faute d’équilibre financier. Fruit du hasard, ou non, les fenêtres du Mercure donnent sur les rideaux baissés de l’ancienne boutique Piery où devait s’installer l’établissement.
Transmettre au Bénin
Ce palmarès reflète sa personnalité « hyperactive » telle qu’elle se décrit. Mais ça ne suffisait pas. Son étoile qui la rend « visible, audible, crédible » doit lui servir. Georgiana a donc accepté de signer la carte du restaurant L’Ami à Cotonou, dans son pays natal au Bénin, en décembre dernier.
Elle s’y rend tous les mois pour les former à sa cuisine. Et diffuser ses valeurs : travail, respect des autres et de la nature. « Il faut du bon sens pour faire les choses, comme ne plus ouvrir l’eau pour la regarder couler. J’ai une phobie de l’eau car partout, même en Afrique, ils n’ont pas conscience qu’elle va disparaître », s’étouffe la toque.
Ces 15 années de travail ont ainsi fait naître une envie de s’engager pour améliorer le milieu de la restauration. « Ce livre, c’est ma façon de manifester », glisse celle qui s’est aussi engagée dans la plateforme Restaure, pour une gastronomie plus responsable, lancée à Marseille en novembre dernier.
Vers un nouveau restaurant à Marseille ?
Ce mouvement, porté par sept associations, veut embarquer des professionnels de la restauration pour un management plus respectueux, alors que le secteur traverse un fort taux de turn-over et des pénuries de recrutement.
Restaure entend aussi rendre la cuisine plus inclusive, un des combats personnels de Georgiana. Elle a notamment travaillé aux Beaux-Mets, un restaurant innovant pour réinsérer les prisonniers des Baumettes, dont elle garde un très bon souvenir.
Mais un rêve lui trotte encore dans la tête. Restaurer un hôtel particulier vers Marseille avec 4 chambres pour elle et ses trois enfants. Au rez-de-chaussée, en face d’un jardinet, elle recevrait des invités dans un restaurant intimiste. « La cuisine, j’ai l’impression d’y être arrivée par accident mais plus le temps passe, plus je réalise que c’est ma destinée », confie-t-elle.