La dessinatrice Émilie Seto crayonne les recoins de Marseille avec un style haut en couleur. Rencontre en avant-première avec l’artiste à l’Alcazar où elle expose du 4 avril jusqu’au 20 septembre.
Émilie Seto aime vadrouiller où personne ne marche. Dénicher des endroits que personne ne connaît. Dessiner ce que personne n’aurait imaginé. Des carcasses de voitures abandonnées de la cité Font Vert, une devanture aux prix cassés de Belsunce, ou un terrain de foot de Malpassé.
En découvrant son dessin du stade, le responsable de l’association sportive lui a écrit pour la remercier : « Tu es chez toi ici ». Touchée par ces mots, la dessinatrice en a fait le titre de son livre d’illustrations et de son exposition dans les bibliothèques de Marseille à partir du 4 avril, date de l’inauguration à l’Alcazar.
Une grande première dans sa ville d’adoption depuis 2018, alors que l’artiste s’est déjà exportée à New-York et en Chine, en y multipliant les résidences depuis 2023. « Ça m’a bouleversée (…), c’est le plus grand voyage de ma vie », confie-t-elle.

Émilie Seto en fait voir de toutes les couleurs
Son rêve ultime serait d’exposer au Japon, pays d’origine de son père et son premier rapport avec l’art. Quand elle était enfant, elle reprenait les codes des mangas, notamment ceux d’Eiichiro Oda, créateur de One Piece.
Après une formation de dessin « classique » à Lyon où elle a grandi, Emilie s’est forgée son propre style en acceptant ses imperfections. « Je ne suis pas bonne en technique pure, admet-elle avec modestie, le seul truc où je suis bonne c’est la couleur ».
Ses crayons sont comme ses deuxièmes doigts. Elle écrase la mine sur du papier Moleskine en commençant toujours par la gauche, sans faire de croquis, ignorant ainsi le rendu final de sa création jusqu’au dernier moment.
Marseille, un sujet central de son œuvre
Ses photos captées à la volée lors de ses longues marches sont ses principales sources d’inspiration. C’est sur ces routes plus ou moins sinueuses que Marseille s’est imposée comme un sujet à part entière. « Au départ, c’était des exercices, je dessinais pour m’entraîner. Et quand je les ai postés sur les réseaux… les Marseillais étaient fous », raconte Émilie.
Chacun reconnaissant son quartier, son immeuble, son café, sa calanque, ou son stade. « Le foot c’est géométrique, artificiel… ça fait des espaces surréalistes. C’est en le dessinant que j’ai mesuré la beauté du truc ». L’exposition consacre tout un espace au ballon rond.
Si elle parvient à vivre grâce aux commandes pour des expositions ou des événements, Émilie Seto a longtemps compté sur la presse. Le Monde, la Revue XXI, le Financial Times ou encore Marsactu… La dessinatrice a même portraitisé de nombreuses célébrités comme Pamela Anderson et Serena Williams.
Le dessin bouleversé par l’IA
Mais le portrait n’est pas son péché mignon. Cela peut se rapprocher des « portraits de cour », qui étaient autrefois des commandes artistiques de la cour royale ou de la noblesse. Émilie préfère les endroits vides, insoupçonnés, peu regardés. Lui laissant une profonde liberté pour créer.
L’artiste observe d’ailleurs avec une « infinie tristesse » les récents tests de ChatGPT reproduisant le style des studios Ghibli, fondés par le célèbre japonais Hayao Miyazaki. D’autant que les politiques français ou l’armée israélienne se sont jetés sur l’occasion pour en inonder leurs réseaux sociaux.
Elle rappelle que « le dessin n’est pas juste un produit final ». C’est « un long processus ». Le fruit d’un regard sur le monde, d’une histoire personnelle, de rencontres. Mais surtout d’un métier… à préserver.
Tu es chez toi ici
Bibliothèque Alcazar
Du 4 avril au 20 septembre
Une exposition à retrouver aussi dans les bibliothèques Le Merlan, Cinq-Avenues, La Grognarde, Saint André du 15 avril au 20 septembre et dans la bibliothèque Salim-Hatubou du 2 septembre au 31 octobre.