Depuis octobre dernier, le Mucem accueille une classe de huit adolescents en refus scolaire. Une première pour un musée qui a coconstruit le programme avec l’Éducation nationale. Reportage.
Le fort Saint-Jean s’apprête à lancer son exposition sur les parures du monde amazigh fin avril. L’affiche est déjà déployée sur le front du bâtiment Georges Henri Rivière. À l’intérieur s’y cache une salle de classe avec huit adolescents en refus scolaire expérimentée depuis le mois d’octobre.
« Depuis que je suis ici, je me sens beaucoup mieux », assure Emile*, un jeune de 14 ans qui avait arrêté l’école depuis plusieurs années. L’adolescent était néanmoins déterminé à reprendre une forme de parcours scolaire avant d’entamer son BTS pour travailler dans la cybersécurité quand il sera plus grand.
Ce dernier a même décroché un stage au service informatique du Mucem, en parallèle de ses cours dans le micro collège avec un emploi du temps allégé. « Le Mucem n’est pas juste un décor Nous avons vraiment coconstruit le programme avec les équipes », explique leur professeure Audrey Marbouty.

Un programme construit avec le Mucem
Ici, on ne suit pas le programme scolaire, même si l’Education nationale est partie prenante du projet. Dans cette classe, les ados avancent à leur rythme. Ils écrivent sur un objet déniché dans les réserves du Mucem. Ou se baladent dans les jardins pour examiner des plantes méditerranéennes.
« Ce qui me semble important, c’est de travailler sur des compétences transverses, affirme la professeure de lettres. L’argumentation, l’écriture, la prise de parole en public… ». Elle prend ainsi l’art comme un moyen de retrouver le plaisir d’apprendre.
« Le beau soigne », affirme Marcel Rufo, comme l’OMS l’a démontré dans une étude en 2019. L’émérite pédopsychiatre est à l’initiative de cette expérimentation, en partenariat avec la clinique des Trois Cyprès.
La santé des jeunes au centre du viseur
L’état de santé mentale des jeunes y est par ailleurs suivi. L’Agence régionale de santé (ARS) Paca finance le poste d’une infirmière, Pauline Benjamin, présente sur le site. Une assistante pédagogique encadre également les adolescents et fait la passerelle avec les familles.
Afin d’éviter un nouveau décrochage, chaque élève est préparé avant son entrée au Mucem. Il y a trois semaines, Romane* a ainsi rejoint les rangs de l’école du Mucem. La collégienne, plus à l’aise au musée qu’à l’école, s’imagine déjà psychologue ou vétérinaire.
Mais les professionnels du soin restent prudents et à l’écoute de ses besoins. Car la santé de ces ados est fragile, comme en témoigne le départ brusque de l’une d’entre eux lors de la visite presse.
20 microstructures à Marseille
La santé mentale des jeunes se dégrade en effet d’année en année. « Un enfant sur sept souffre de troubles psychiques », atteste Gérard Pichenot, directeur de la clinique des Trois Cyprès. Selon Marcel Rufo ce mal-être est d’autant plus exacerbé par « les réseaux sociaux qui remplacent bien souvent le réel ».
Depuis 2022, 24 microstructures semblables ont ouvert à Marseille dont 12 micro-collèges et 12 micro-lycées. Mais celle du Mucem reste un peu spéciale car elle est établie en dehors du parc scolaire.
L’objectif de ces structures innovantes est à terme de réussir à réintégrer les élèves dans un milieu de scolarité ordinaire pour reprendre le chemin d’un cursus standard. Et un jour exercer le métier de leurs rêves ?
*Les noms des élèves ont été volontairement modifiés.