Depuis début octobre, le Mucem accueille un micro-collège pour adolescents en rupture scolaire. Cette expérimentation pourrait être déployée à l’échelle nationale, alors que la santé mentale des jeunes devient un enjeu public.
Un micro-collège dans un musée. L’idée peut paraître étonnante, du moins innovante, car c’est une première en France. Depuis octobre dernier, le Mucem accueille six adolescents en rupture scolaire, âgés de 13 à 16 ans. « On leur propose un pas de côté pour retrouver le goût à l’apprentissage », résume Cécile Dumoulin, responsable du développement des publics.
Tout est pensé pour installer ces jeunes décrocheurs dans une bulle de sérénité. Chaque jour, un transporteur sanitaire les emmène jusqu’au fort Saint-Jean, pour les ramener le soir. L’assistante pédagogique Chemssy Civel, qui dépend du collège Sylvain Menu, les réceptionne au niveau de la passerelle en face de l’église Saint-Laurent.
Audrey Marbouty, enseignante agrégée de lettres, prend ensuite le relais. « Elle maintient un niveau scolaire en leur faisant un peu de grammaire, lecture, exposé, écriture au travers des projets avec le Mucem », précise Pauline Benjamin, l’infirmière.
« Un sas de décompression »
Les trois encadrantes tiennent à faire de cette classe d’un genre nouveau « un sas de décompression » afin que les jeunes renouent avec l’école, réapprennent à sortir de chez eux et à refaire confiance aux adultes.
Elles organisent donc, avec les équipes du Mucem, des virées culturelles, découverte des métiers, et des promenades dans les jardins perchés dominant le Vieux-Port pour explorer les variétés de plantes méditerranéennes.
Cette démarche est le fruit d’un partenariat inédit entre l’Éducation nationale, l’Agence régionale de santé (ARS) Provence-Alpes-Côte d’Azur et la clinique des Trois Cyprès où exerce le professeur émérite Marcel Rufo, spécialiste de ces pathologies.
« La santé hors les murs »
En complément d’un suivi dans un hôpital de jour, l’infirmière travaille en étroite collaboration avec les soignants de la clinique des Trois Cyprès. « Je me réfère aux pédopsychiatres de l’HDJ qui suivent les jeunes, le Dr Tassy, et le Dr Stora s’ils ont des difficultés au niveau santé mentale », précise Pauline Benjamin.
« C’est la santé hors les murs », se réjouit Yann Bubien, directeur de l’ARS Paca. Le médecin prononce ces mots devant Rachida Dati, venue signer, ce 16 janvier, une lettre d’intention pour ancrer ce partenariat entre la santé et la culture dans la Région Sud, voire sur le territoire national. « 2025 sera l’année de la santé mentale », rappelle la ministre de la Culture.
Ces mots empruntés au Premier ministre, François Bayrou, reflètent une grave réalité. Une enquête du programme IAMSTRONG et l’Ifop, menée auprès de 1 300 jeunes âgés de 11 à 24 ans en novembre dernier, révèle un épisode dépressif d’au moins deux semaines chez 48% des jeunes, dont 25% au cours des 12 derniers mois.
Ouvrir le musée à tous publics
Lors de son arrivée en octobre 2022, le président Pierre-Olivier Costa, ancien directeur de cabinet de Brigitte Macron, avait annoncé vouloir mettre en place un tel dispositif, dans un objectif plus vaste d’ouverture du musée dentelle à tous les publics.
Cette expérimentation de micro-collège doit être reconduite à la rentrée 2025. Mais elle sera réussie « si les élèves arrivent à intégrer une micro structure dans un établissement scolaire », pointe Cécile Dumoulin. En espérant, aussi, qu’ils reviennent pousser la porte du musée.