Le centre LGBTQIA+ de Marseille bat son plein depuis son inauguration fin 2023. En plus des actions pour améliorer l’accès à la santé physique, la directrice veut désormais accélérer sur le soin psychologique.
Le centre LGBTQIA+ souffle sa première bougie en décembre. Ce repère dédié aux personnes lesbiennes, gaies, bies, trans, queer, intersexes, asexuelles, et alliés, ne désemplit pas rue du Chevalier Roze (2e). Un « engouement » significatif pour la directrice, Noémie Pillas, qui militait pour sa création depuis 2017.
Avec ces quelques mois de recul, elle estime que « la facilité d’accès aux espaces » et « l’autogestion » sont les deux ingrédients de la réussite du jeune centre. Le Sénat a même demandé un exposé de ce modèle de gestion, alors que Marseille est « la dernière grande ville de France » à accueillir une telle structure.
Ce succès tient aussi au façonnage du projet depuis les besoins du terrain, en particulier pour le pôle santé et social. « On a de plus en plus de demandes d’hébergement d’urgence des personnes qui ont des mandats d’arrêts dans leur pays », raconte Noémie.
Depuis début novembre, cinq personnes tapent à la porte du centre chaque semaine, désœuvrées. « On arrive à en reloger deux à trois », se félicite en demi-teinte la directrice. Pour financer cette action, le centre a créé un fonds d’urgence sans aucune aide publique.
« De la violence là où il devrait y avoir du soin »
En France, les personnes de la communauté ne sont pas épargnées non plus, selon le tableau que dresse Noémie. « Dans un contexte de fascisation » et « d’agressions qui augmentent », la prise en charge par des praticiens non formés, voire « violents dans leur approche » est encore d’actualité.
« Beaucoup de personnes trans nous remontent des refus de soin d’infirmiers à domicile, regrette la directrice du centre LGBTQIA+. De manière générale, elles anticipent négativement le recours à un praticien. Certaines personnes ne font plus appel au soin ».
Certaines femmes lesbiennes ne vont pas chez le gynécologue par peur de maladresses. « Les professionnels ne sont pas forcément malveillants. Mais ils ne savent pas comment agir car ils ne sont pas formés. Ils ont besoin qu’on leur donne des clés de compréhension », tempère la directrice.
Des permanences santé régulières
Pour répondre à cet enjeu de santé publique, le centre a donc planifié deux « permanences infirmière queer », un vendredi et un samedi par mois (détails).
Ainsi que des permanences pour discuter des pratiques, consommation de produits, orientation sexuelle ou identité de genre, couplées à des dépistages VIH/Hépatites B avec l’organisme de prévention Enipse.
Le centre LGBTQIA+ s’engage aussi pour la santé mentale, car les demandes de « psy safe » sont de plus en plus nombreuses. « Les personnes queer vont mal », alerte la professionnelle.
Création d’un centre de santé mentale
Pour le prouver à l’Agence régionale de santé (ARS) afin de construire un dispositif adapté, le centre a collaboré avec l’unité Sciences Économiques et Sociales de la Santé et Traitement de l’Information Médicale (SESSTIM) de l’IHU – Méditerranée Infections.
Les résultats de cette enquête approfondie paraîtront en mai prochain. Noémie Pillas annonce également travailler sur l’ouverture d’un « centre de santé mentale » courant 2025 avec des psychologues « safe » et « formés ».
Cet anniversaire est donc marqué par « un bilan satisfaisant » avec « beaucoup de premières fois à Marseille ». Mais aussi par « la fragilité » qu’elle impute à l’instabilité gouvernementale et à une vague d’extrême droite en Europe.
Au nom de la communauté, Noémie estime devoir ainsi « maintenir un niveau de militantisme fort » parce que « se reposer dans ses charentaises, c’est impossible ».