Depuis quatre ans, les cantines des trois écoles de la commune de Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes) servent aux élèves des repas confectionnés à base de 100% de produits bio. Avec au final des repas qui coutent moins cher à la collectivité que les cantines traditionnelles. Alors, les villes provençales pourraient-elles reproduire ce schéma ? Reportage.

Il aura fallu quatre années à Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes) pour réussir à passer de 20% de produits bio dans les cantines scolaires en 2008 à 100% en 2012. Car c’est bel et bien depuis le 1er janvier 2012 que les cantines des trois écoles maternelles et primaires de la commune proposent aux 1 100 élèves qui les fréquentent des repas entièrement bio.

La première introduction du bio dans les cantines de Mouans-Sartoux remonte à 1999, mais seulement pour la viande de bœuf suite à la crise de la vache folle. La municipalité commence alors une réflexion autour des enjeux alimentaires et, dès 2008, décide d’introduire de plus en plus de bio dans les repas des cantines. Le bio ne représente alors que 20% des produits et déjà le maire de l’époque, André Aschieri (PS), a pour objectif d’atteindre les 100% de bio.

« C’était extrêmement important pour nous de passer au 100% bio pour respecter la santé des enfants qu’on nourrit et aussi pour l’environnement. C’était pratiquement vital ! On avait une volonté de fer pour y parvenir et quand on a une telle volonté, les choses sont plus faciles à mettre en œuvre », explique Gilles Perole, adjoint au maire de Mouans-Sartoux chargé de l’éducation et de l’enfance.

cantines, Enquête – Peut-on servir des repas 100% bio dans toutes les cantines de la Région PACA ?, Made in Marseille

Un « potager » pour fournir les légumes

Pour atteindre un tel résultat, la municipalité de Mouans-Sartoux a mis en place une régie municipale agricole. En d’autres termes, une sorte de potager municipal qui lui permet d’approvisionner les cantines en légumes bio et plus que locaux puisqu’ils poussent sur ses propres terres ! « Relocaliser l’approvisionnement nous paraissait important. Puisqu’il y a peu de productions agricoles dans les Alpes-Maritimes, nous avons décidé de créer cette régie agricole », met en avant Gilles Perole.

De quatre hectares à l’origine, dont trois en culture, la régie s’est agrandie depuis le 1er mars 2016 de deux hectares supplémentaires avec pour objectif de passer à quatre hectares de culture. Le tout grâce au travail de deux agriculteurs rémunérés par la mairie qui plantent en fonction des besoins des cantines pour éviter tout surplus.

Pour le reste des produits, les cantines sont approvisionnées par un grossiste spécialiste en bio dans le cadre du marché public de l’alimentation. Son cahier des charges le contraint à favoriser l’approvisionnement de proximité autant que possible si bien que 50% des produits qu’il fournit à Mouans-Sartoux proviennent de la région Paca ou de celle du Piémont en Italie.

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Grâce à sa régie municipale, Mouans-Sartoux peut fournir à ses cantines quasiment tous les légumes bio dont elles ont besoin © Ville de Mouans-Sartoux

Du 100% bio à un coût constant

Bien que les produits bio coûtent plus chers que ceux issus de l’agriculture conventionnelle, aucune augmentation n’a été enregistrée sur les prix des repas à Mouans-Sartoux. Au contraire, ils ont même baissé depuis l’introduction du 100% bio ! Cela s’explique par un autre travail mis en place par la municipalité en parallèle : limiter au maximum le gaspillage alimentaire des repas.

En moyenne, 150g de déchets sont jetés par repas dans les cantines scolaires, soit un tiers du poids total du repas. À Mouans-Sartoux, de 147g en 2010, le gaspillage alimentaire est passé à 30g aujourd’hui et ce grâce à l’approvisionnement local et au fait que les trois cantines soient autonomes et confectionnent les repas sur place. Un seul menu est d’ailleurs proposé aux élèves en deux rations différentes suivant leur appétit pour éviter ainsi d’en laisser dans l’assiette.

Les familles déboursent entre 2€ et 6€ par repas car la ville de Mouans-Sartoux n’applique pas un prix unique pour les repas de ses cantines. Comme environ un tiers des municipalités françaises, elle a mis en place le « quotient familial », un tarif indexé sur le coefficient CAF. Chaque famille paie ainsi un tarif adapté en fonction de ses revenus.

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© Un plus bio

Un schéma duplicable dans les autres communes de la région ? Les exemples de Gémenos et Cassis

Pourquoi des petites communes de la région PACA ne reproduiraient pas elles aussi le même schéma que la municipalité de Mouans-Sartoux ? Avant toute chose, la raison est le coût du bio. À Gémenos par exemple, le prix des repas est de seulement 1€ pour les Gémenosiens et entre 1€ et 4€ pour ceux n’habitant pas la commune avec deux jours de repas 100% bio par semaine.

« Peut-être que l’on augmentera la part de bio dans le futur mais notre objectif est aussi de maintenir ces mêmes tarifs car cela permet une égalité entre tous les enfants et l’assurance de bons repas », met en avant Hélène Marchetti, Adjointe au Maire de Gémenos (LR) chargé du pôle « Enfance, Jeunesse, Éducation ». Même son de cloche du côté de la Ville de Cassis qui préfère privilégier le circuit court et l’agriculture raisonnée à tous les repas plutôt que du bio de façon trop répartie.

« Le bio est trop cher pour mettre en place toute une cantine bio. Nous avons fait le choix d’une part de bio établie par repas qui se retrouve par exemple dans le pain ou les laitages plutôt que de faire par exemple un seul repas 100% bio par mois qui aurait moins d’intérêt pour la santé des enfants », souligne Dominique Mateo, Adjointe (LR) en charge de la Petite Enfance, Enfance et Éducation à la Mairie de Cassis.

Les deux municipalités ont toutefois opté pour des mesures afin de limiter le gaspillage alimentaire. À Gémenos, l’assiette unique est aussi de rigueur et les enfants trient leurs différents déchets ce qui a permis une nette réduction des déchets et ainsi de réajuster et réadapter les menus. À Cassis aussi la quantité de déchets à baisser de près de moitié et une partie des détritus va même dans un composteur. Les deux communes ont aussi misé sur des actions de sensibilisation des enfants pour leur apprendre à ne pas prendre de trop grandes quantités de nourriture et ainsi ne pas gaspiller.

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Évolution des quantités de déchets dans les écoles de Gémenos depuis novembre 2015 (cliquez pour agrandir) © Ville de Gémenos

Le problème des terres agricoles

Pour Dominique Mateo, mettre en place une régie municipale agricole pour fournir des légumes bio à l’unique groupe scolaire de Cassis est difficile à envisager en raison du manque de place. Un constat repris également par Gilles Perole pour qui il est nécessaire de mieux gérer la production agricole. « Il faut préserver des terres agricoles sur le territoire, considérer l’agriculture comme une activité économique créatrice d’emploi, sensibiliser et aider à la conversion des agriculteurs vers le bio… La collectivité publique doit s’engager et en quelques années ce serait possible de passer à du 100% bio s’il y avait une vraie volonté », considère l’élu.

Les petites communes ne sont pas les seules à se lancer dans l’objectif de passer au 100% bio dans les cantines. Depuis le 1er janvier 2014, la ville de Saint-Étienne (Loire) en avait aussi fait un point d’orgue pour ses 45 restaurants scolaires. Et ce grâce à un approvisionnement auprès de départements limitrophes voire plus éloignés. Trop éloignés même puisque seulement 41% des produits des cantines étaient locaux. Au début du mois de juin, la municipalité a donc préféré revoir son objectif à la baisse – 80% de produits bio – pour favoriser un approvisionnement local plutôt qu’éloigné.

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Pourquoi alors ne pas mettre en place une régie municipale comme l’a fait Mouans-Sartoux pour avoir plus de produits locaux ? La raison est simple : si au moins trois hectares sont nécessaires à la commune des Alpes-Maritimes pour fournir ses 1 100 repas quotidiens avec sa régie municipale, il faudrait à la ville de Saint-Étienne au moins 10 hectares. Et plus de 140 hectares à une ville comme Marseille qui doit fournir 53 000 repas par jour, soit l’équivalent de 198 terrains de football mis côte à côte. Une superficie difficile à envisager, même avec la meilleure volonté du monde.

Par Agathe Perrier

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