Depuis les effondrements à Noailles, les citoyens se fédèrent pour lutter contre l’habitat indigne. Ils ont engagé de gros moyens pour couvrir par eux-mêmes le procès de la rue d’Aubagne.
« La vie d’un homme, d’une femme, vaut plus que tout l’or du monde, scande un crieur public à travers son mégaphone, devant la Caserne du Muy. Cessez de faire l’autruche et faites le boulot ! »
Avec trois collègues, dispersés au milieu de la foule sur le parvis, il transmet les messages des habitants en soutien aux familles de victimes des effondrements de la rue d’Aubagne, survenus le 5 novembre 2018.
Six ans presque jour pour jour après le drame, ce 7 novembre, familles, amis, collègues, sont venus en force pour assister au procès dit « hors-norme » par le nombre de parties civiles. Chacun arbore un petit nœud vert satiné sur sa veste, attaché près du cœur.
Ces rubans ont été confectionnés par les militants du collectif du 5 novembre – Noailles en colère qui n’ont pas fait les choses à moitié. Bien au contraire. Ils engagent de gros moyens pour mobiliser les citoyens tout au long des six semaines d’audience.
Une organisation militaire
Après une journée de débats sur le mal logement le 2 novembre, la grande marche citoyenne le 3 novembre, et les habituelles commémorations du 5 novembre, les citoyens se sont aussi organisés pour « informer les habitants au jour le jour » en français, en anglais et en arabe durant tout le procès.
Le collectif a mis en ligne des documents pédagogiques pour éclairer les temps forts de la procédure. En parallèle, l’équipe publiera des capsules vidéos explicatives ces prochains jours.
La semaine dernière, ils ont créé une boucle WhatsApp pour faire vivre la retransmission des audiences en temps réel. « Les journalistes seront là ponctuellement. Nous, on veut rendre compte du procès au quotidien », assure Emmanuel Patris, urbaniste de métier et membre du collectif. Chaque soir après l’audience, ils tourneront un mini JT sur leurs réseaux sociaux.
À ce stade, une quarantaine d’habitants se sont portés volontaires. Mais le collectif prévoit des réunions, chaque semaine, pour les former à cet exercice si particulier de la chronique judiciaire. La première formation est programmée ce dimanche, avant une formation de « porte-paroles » mercredi prochain par Alternatiba.
Des panneaux aux quatre coins de la ville
Cette plateforme d’échanges permet aussi d’organiser la confection de panneaux informatifs. Les militants les accrocheront dans différents points de la ville, rue de La Palud (1er) et devant la Caserne du Muy (3e) notamment. « On laisse libre cours à la créativité de chacun », sourit Anissa Harbaoui, l’un des piliers du collectif.
L’amie proche de Simona, une des huit victimes des effondrements, patiente dehors, avant de se ranger dans la queue pour rentrer dans la salle d’audience. Elle dit s’en vouloir encore de ne pas lui avoir proposé de dormir chez elle ce soir-là, malgré les fissures inquiétantes dans son appartement.
Cette nuit, à nouveau, elle dormira peu. Mais avant de rentrer chez elle, Anissa retrouvera Kévin, Emmanuel, Maël, et bien d’autres, au bar du Peuple, à quelques encablures de la rue d’Aubagne, pour trinquer à l’anniversaire du collectif… Et au réconfort, tout de même, d’être devenus comme une nouvelle famille.