Dans les quartiers Nord, la Cité des arts de la rue travaille sur un important projet de requalification. Le directeur de Lieux Publics souhaite créer un « espace public traversant pour reconnecter les quartiers alentours ».
Le rapport n° 78 est passé un peu inaperçu lors du conseil municipal du 20 septembre, vampirisé par les joutes politiques. Voté sans débat, plutôt symbolique, le texte évoque un « soutien au projet porté par l’association Lieux Publics ». Sans plus de détails. Or, l’association en question chapeaute la Cité des arts de la rue depuis 2022.
On parle ici d’un site gigantesque au cœur des quartiers Nord, aux Aygalades (15e). Près de 4 hectares pour 11 000 m2 de bâtiments, où siégeait, au début du 20e siècle, une de plus importantes savonneries marseillaises : L’Abeille.
Profitant de l’année capitale européenne de la culture, en 2013, le lieu est devenu un Centre national des arts de la rue et de l’espace public (CNAREP). Aujourd’hui, 11 structures l’occupent. Mais, après 10 ans de vie dédiée quasi-exclusivement aux professionnels du spectacle vivant, le vote du dernier conseil municipal annonce une grande mutation du site.
Un projet « à 10 millions d’euros sur 5 ans »
Requalification urbaine, ouverture au grand public et au quartier… Lieux Publics porte un projet « à 10 millions d’euros sur 5 ans. Pour réinventer la Cité des arts de la rue d’ici 2029 », nous précise son directeur, Alexis Nys.
« La première dimension de ce plan, c’est l’hospitalité, l’ouverture sur le quartier et au grand public », poursuit-il. Le directeur rappelle que la Cité des arts de la rue a d’abord été pensée comme « un laboratoire de création fermé ».
Le site s’est ouvert petit à petit. D’abord avec l’école dédiée aux arts en espace public (FAI-AR) et des chantiers d’insertion. Puis au grand public et aux quartiers alentours, avec des événements, ateliers, portes ouvertes et un marché de producteurs mensuel.
« On accueille 30 000 personnes chaque année environ, c’est déjà pas mal, note Alexis Nys. Mais c’est très expérimental pour l’instant. Ça s’est fait à l’énergie, à l’intention ». La Cité des arts de la rue prévoit donc de développer un « projet structurant » qui passera par une requalification conséquente du site.
Passerelle sur le ruisseau, végétalisation et espaces publics
« On a besoin d’infrastructures pour accueillir les visiteurs. De repenser le site en termes d’hospitalité », insiste le directeur de Lieux Publics. Avant de jeter quelques idées qui germent : « Transformer le bâtiment A, abandonné au milieu de la cité, en espace de convivialité ».
La grande halle, « jamais aboutie », doit être réhabilitée techniquement pour accueillir plus régulièrement des spectacles. Dans une autre salle, des aménagements permettraient d’accueillir une association de parkour pour proposer des cours de « Yamakasi ».
« Il faut aussi une végétalisation générale du site », presque intégralement artificialisé, « et le reconnecter ainsi au ruisseau des Aygalades ». Alexis Nys imagine d’ailleurs une passerelle pour traverser le cours d’eau qui sépare la Cité des arts de la rue de La Viste. « À terme, le site doit devenir un espace public traversant pour reconnecter les quartiers autour ».
Sans oublier de réhabiliter les bâtiments des structures résidentes. « Car il y a eu beaucoup d’impensés dans ce projet élaboré en 1999. La transition écologique, les performances énergétiques, la sécurité… Au départ, chaque bâtiment est autonome », déplore-t-il, pour relever l’absence de cohésion globale.
« Nous allons concevoir un schéma directeur en concertation avec les structures résidentes, les riverains, et avec l’aide de BK Club Architectes ». Ce cabinet s’y connaît en projets atypiques, tiers-lieux et friches. Comme celle de la Belle de Mai, dont il a conçu des schémas d’aménagement.
Enfin un bail emphytéotique pour la Cité des arts de la rue
« Ça va être un projet ambitieux qui peut attirer l’intérêt d’acteurs nationaux », estime Alexis Nys. « Il faut donc avoir la maitrise d’ouvrage sur tout le site, et pérenniser notre présence ». Car chaque structure est soumise à des conventions d’occupation temporaire pour chaque bâtiment. C’est là qu’intervient la mairie, propriétaire des lieux.
« Nous allons voter un bail emphytéotique (de très longue durée, ndlr) à Lieux Publics pour l’ensemble du site au prochain conseil municipal en octobre », annonce Jean-Marc Coppola. L’adjoint au maire en charge de la Culture indique que le conseil suivant actera « une subvention importante » pour le projet.
Mais pas de quoi couvrir les 10 millions d’euros estimés pour cette grande requalification. L’association vise donc un « co-financement de la Ville, la Région et l’État », précise Alexis Nys. La stabilisation juridique et administrative du projet devrait notamment permettre de l’inscrire dans le Contrat de plan État-Région (CPER).
Le directeur de Lieux Publics, confiant, envisage de débuter dès 2025 ce projet sur cinq ans, en vue d’une Cité « ouverte » des arts de la rue.