Une ferme urbaine produit des micro pousses au sein de l’école La Plateforme à la Joliette. Riches en goût et en vitamines, elles fleurissent dans les assiettes des restaurants marseillais.
En traversant les couloirs de l’école du numérique La Plateforme, le logo « Wesh Grow » placardé sur une porte suscite la curiosité. À l’intérieur de la salle, des milliers de petites pouces sont éclairées à la lumière des néons violets. Barthélémy Le Blan s’affaire à relever la qualité de l’eau.
Le responsable de ce maraîchage urbain, fondé par Laurent Couraudon en 2020, cultive des micro pousses de façon écoresponsable qui se retrouvent ensuite sur les tables de nombreux restaurants marseillais.
« On a le goût de la plante finale mais très concentré »
La micro pousse est un stade de culture qui se situe après la graine germée et avant la jeune pousse. Elle est cultivée entre 6 et 29 jours afin que la première feuille ne puisse se former. « On a le goût de la plante finale mais il est très concentré. Il y a aussi un intérêt esthétique pour les plats des chefs », explique Barthélémy.
Ces petites feuilles présentent également un intérêt nutritif puisqu’elles contiennent 4 à 40 fois plus de vitamines, minéraux et antioxydants que des plantes adultes. Elle sont notamment plus concentrées en vitamine C, E, K et caroténoïdes.
Derrière un grand sourire et une apparente décontraction, le cultivateur connaît parfaitement son sujet. Il travaille avec Louis qui a été embauché au mois d’octobre, signe que les micro pousses se portent bien sur le marché marseillais. Chaque semaine, près de 1200 barquettes d’une vingtaine de variétés sont produites dans cet espace de 40 m2.
Cultiver dans une école, ça colle ?
Ce petit espace, installé au 2e étage de l’école du numérique, est un concept original. Mais est-ce compliqué à cultiver ? Au contraire, répond Barthélémy, pour qui ce type de culture en bac ne présente aucune contrainte logistique. Il suffit d’avoir un local et de se faire livrer le matériel adéquat lors de l’installation. La demande étant à proximité, la localisation en ville s’avère même avantageuse.
Un savant système d’irrigation est installé, permettant un recyclage complet de l’eau. La culture fonctionne donc en circuit fermé. Tout est automatisé avec des minuteurs qui enclenchent des pompes irriguant le système. « C’est donc une rotation avec un recyclage de l’eau en permanence. Par rapport à une agriculture de plein champs où l’eau est épandue sur les plantations, on économise entre 80 et 85 % d’eau », explique le responsable de la ferme.
Barthélémy a cassé un mur afin d’agrandir l’espace et pouvoir installer la « Nurserie » servant à la période de germination des micro pousses. Les plantes sont installées dans les anciens sanitaires pour la première étape de pousse car elles ont besoin de davantage de lumière et d’humidité.
L’emplacement au cœur d’un établissement scolaire permet au fondateur, l’entrepreneur Cyril Zimmermann, de proposer des visites apportant une véritable valeur ajoutée à son établissement inclusif. Les invendus de micro pousses sont également laissés à disposition des étudiants.
Une culture en bioponie
La bioponie s’apparente à l’hydroponie, à la différence que les engrais utilisés sont 100% biologiques. C’est une façon de cultiver des fruits et légumes hors-sol. Les graines sont plantées sur un substrat qui fait office de terreaux, dans une barquette.
Les deux substrats utilisés sont la fibre de coco et la feuille de cellulose : une feuille de papier qui gonfle avec l’eau et qui permet aux racines de s’installer. Pour pousser, les plantes n’ont par la suite besoin que de lumière et d’eau.
Ce sont ainsi entre 22 et 26 variétés et saveurs différentes que l’on peut retrouver sur les étagères de Wesh Grow. De l’amarante au goût de betterave sans le côté sucré, la capucine, la mélisse citron ou encore la cédrèle au goût si singulier de sous bois humide. Il y en a vraiment pour tous les palets. Une palette de couleurs allant du vert au pourpre offre un large choix aux consommateurs.
Le choix des variétés se fait en fonction de la saisonnalité ainsi que de la demande. Le basilic est par exemple particulièrement demandé par les restaurateurs lors de la saison estivale. « Dans les micro pousses on a ce qui s’appelle les » big five « , ce sont les cinq variétés qui sont les plus vendues, à savoir l’oseille, la coriandre, le petit pois, le shiso rouge et le shiso vert. Et après, nous on essaye de faire des choses plus originales pour se démarquer », précise le responsable.
Du producteur au restaurateur
Afin de réduire son emprunte carbone au maximum, Barthélémy charge les micro pousses sur son vélo pour livrer les établissements marseillais, de la table étoilée au restaurant végétarien, « ce sont quand même des chefs qui sont assez créatifs, souvent jeunes, ils recherchent de nouvelles saveurs », remarque-t-il.
L’été est une saison très dynamique pour la ferme qui profite de l’engouement autour des très nombreuses ouvertures de restaurants dans la cité phocéenne ces dernières années. Le marché d’intérêt national des Arnavaux (14e) fait également partie des clients de Wesh Grow. Sur place, les grossistes et les transporteurs qui ont pignon sur rue, lui achètent jusqu’à 70 barquettes d’un coup.
Les micro pousses, un commerce florissant ?
La ferme urbaine s’est implantée dans l’école au mois de février 2019. Dès le mois de décembre, le système économique était à l’équilibre grâce notamment à l’engouement des restaurateurs marseillais. Aujourd’hui, Barthélémy compte environ 40 établissements locaux parmi ses clients. Parmi eux, une quinzaine passe commande et est livrée chaque semaine, parfois même deux par semaine. C’est le cas de Lily, qui vient de recevoir ses petites plantes nutritives.
Ce nouveau bar à manger du 7e utilise les micro pousses pour ses cocktails réalisés par un mixologue ainsi que ses assiettes confectionnés par Sam Kitchen. « Les restaurateurs connaissent, mais il y a beaucoup d’a priori. Une fois qu’ils mettent la micro pousse en bouche, j’ai déjà fait une partie du travail », sourit Barthélémy.
Les barquettes sont vendues entre 3,50 euros et 3,90 euros chacune. Cela représente un certain coût pour les restaurateurs, qui peuvent toutefois les conserver quelques jours après réception sans que leur qualité n’en soit altérée. « Depuis la guerre en Ukraine, les coûts fixes des restaurants augmentent. Les micro pousses, c’est un peu la première marchandise qu’ils suppriment de leurs assiettes. C’est vrai, qu’il y a un petit challenge avec l’inflation », admet le cultivateur.
À terme, Barthélémy souhaiterait développer des ateliers de découverte de cette forme de culture en centre-ville pour ce qu’il considère être un formidable outil pédagogique auprès des consommateurs.