L’association La Forêt des possibles a mis en place des ateliers avec des jeunes du centre d’hébergement de Saint-Charles afin de les aider à faire germer des projets environnementaux. Entretien.
Marin Maufrais et Loïc Marcé ont cofondé en 2020 la Forêt des possibles. Le premier projet de cette structure s’appelle l’Arbre des imaginaires et a été conçu pour répondre aux enjeux de précarités sociale et écologique. Grâce à cet outil, ils organisent des ateliers, notamment dans des structures sociales à Marseille, afin de faire émerger chez les participants la volonté d’entreprendre des projets liés à l’environnement.
L’objectif est de les mettre en relation avec des acteurs locaux engagés afin de concrétiser leurs actions. Chaque mercredi, Marin anime également sur Radio Galère une émission dans laquelle il invite ces protagonistes. Il souhaite ainsi créer une communauté d’individus et faire naître des initiatives collectives.
Quatre ateliers avec des jeunes de 18 à 25 ans
En juillet 2023, Marin rencontre Aïcha Guelimi. Elle est responsable d’établissement au Centre d’Hébergement et de Réinsertion Social (CHRS) Jeunes de Marseille. C’est autour d’un couscous, dans le jardin partagé de la maison Pour Tous de Félix Pyat (3e), que Marin présente à Aïcha son projet.
L’initiative séduit la cheffe de service qui avait justement était sollicitée par Soumeya, une jeune fille bénéficiaire du centre et titulaire d’un CAP agricole. Elle lui avait fait part de sa volonté de mener des actions pour se reconnecter à la nature.
Tous les trois mettent alors en place quatre ateliers à destination des jeunes du CHRS. Ils se déroulent au CHRS Saint-Charles entre novembre et décembre 2023. Marin utilise son outil « l’Arbre des imaginaires » pour structurer ses séances. Dans un premier temps, chacun répond aux questions personnels élaborées par Marin, puis a lieu le temps de la mise en commun et de l’échange collectif.
Suite à ces ateliers, Marin a invité Soumeya et Kingoma, à partager cette expérience au micro de son émission de radio destiné à donner la parole aux acteurs écologique et sociaux Marseillais. À l’occasion des 72h de l’écologie lancée cette semaine par la cité de la transition, Marin propose aux Marseillais de découvrir les ateliers de l’Arbre à 10h30 ce vendredi 28 juin au QG des Éco-acteurs.
L’Arbre des imaginaires c’est quoi ?
Marin : C’est une image qui nous invite à nous poser des questions sur soi-même. Puis à partir de cela, on essaie de verbaliser les projets que chacun aimerait mener et on les accompagne dans leur accomplissement. L’idée, ensuite, c’est de mettre les participants en relation avec des acteurs locaux pour que cela aboutisse.
Comment vous est venue l’idée de créer cet outil ?
Marin : J’ai eu une prise de conscience après la crise des gilets jaunes. Cela a posé la question de comment concilier la fin du monde et la fin du mois. Autrement dit, les enjeux sociaux qui sont liés aux enjeux écologiques. J’ai donc choisi la métaphore de l’arbre, qui me semblait parlante pour mettre en place un outil pouvant agir à différentes échelles, du plus local au plus national. Pour le moment, nous nous concentrons sur la ville de Marseille pour développer nos actions.
Qu’est-ce qui vous a séduit dans cette approche ?
Aïcha : En premier lieu, j’ai aimé que l’on puisse sortir des clichés. On va avoir tendance à se représenter les jeunes en CHRS comme des galériens à tort. Ça m’intéressait qu’on puisse créer de la surprise en mettant en avant ces jeunes que l’on imagine loin des questions citoyennes, alors qu’en réalité ils ont déjà mis en place une réflexion et des stratégies pour s’adapter aux enjeux écologiques. Du point de vue alimentaire ou dans leur quotidien par exemple. La façon dont Marin s’engage dans l’écologie et sensibilise les citoyens était inédite et très plaisante. Il n’était pas du tout moralisateur, c’était primmordial.
Soumeya (25 ans, bénéficiaire du centre) : Je suis assez pessimiste quant à la situation écologique actuelle, alors que Marin et Aïcha sont de véritables optimistes. Ils ont réussi à me communiquer cela. Les personnes précaires sont touchées de plein fouet par toutes les problématiques, notamment écologiques. Donc je pense que c’est intéressant de redonner ce pouvoir d’agir à la population. J’étais intéressée, malgré mon côté pessimiste, par l’atelier de l’arbre et les liens que cela allait entraîner avec d’autres personnes. Les jeunes du CHRS n’osaient pas entreprendre des initiatives. C’était un bon moyen de reprendre confiance en nous.
Que vous ont apporté les ateliers ?
Soumeya : Ce qui m’a beaucoup plu, c’est d’écouter. Je peux avoir des préjugés sur les autres jeunes du centre, alors même que j’en fais partie. Certains ont des aspirations qui ne sont pas les miennes, mais cela m’a permis de découvrir d’autres points de vues, d’autres passions émerger chez eux.
Ca m’a permis de prendre le temps de me questionner dans un cadre sécurisant. On peut facilement s’oublier à cause des injonctions qu’on nous impose. Il faut vite trouver un travail, vite se réinsérer. Là, cela nous permet de mûrir des projets personnels qui nous tiennent à cœur, en rapport avec la nature et l’environnement.
Des projets ont-ils émergé de ces ateliers ?
Soumeya : Oui, J’ai passé un entretien avec l’école Etre. C’est grâce à l’association de Marin et au réseau de son association que j’ai pu être mise en connexion avec eux. Mais ce qu’ils me proposaient correspondait exactement à ce que j’avais fait durant mon CAP agricole, jardinier, paysagiste. C’est une école et un projet superbe. Ils sont en lien avec un autre jardin où je vais pouvoir aller jardiner sans nécessairement participer à la formation.
J’ai aussi eu l’idée de créer un jardin dans l’arrière-cour du CHRS. Marin m’a présenté une structure et j’ai pu récupérer de la terre et du compost. Lors de mon intervention sur Radio Galère, j’ai pu demander des dons de pousses. Ça permet réellement de se connecter avec toutes les personnes qui s’investissent dans des actions écologiques et sociales à Marseille
Je voudrais être botaniste. Mais si c’est à 60 ans, ça ne me gêne pas. Je préfère me dire que peu importe les obstacles qui se présentent sur ma route, au moins je suis sur les rails.