Dans les quartiers Nord de Marseille, six hectares du Domaine de Montgolfier vont être transformés en « pôle agricole ». Le site mêlera préservation de la biodiversité, éducation environnementale et production alimentaire locale et durable.
Sur les hauteurs de Marseille, le Domaine de Montgolfier (14e) est un lieu chargé d’histoire. Autrefois propriété de la famille Montgolfier, cette propriété a été acquise par la Ville de Marseille en 1987.
La bastide du XIXe siècle, classée monument historique pour ses façades et toitures rénovées, constitue le cœur de ce site qui s’étend sur 13 hectares. Son intérieur attend encore d’être réaménagé selon la destination qui lui sera attribuée. Par le passé, une Maison de l’eau y était envisagée.
Le domaine abrite une diversité de projets en synergie, mêlant patrimoine bâti, sensibilisation à la biodiversité et bientôt production nourricière.
Remettre les terres en culture sur 6 hectares
Aujourd’hui, la municipalité mise sur ce site pour développer un projet d’agriculture urbaine. Sur les 13 hectares, sept hectares sont en dénivelé et non adaptés à l’agriculture. En revanche, les six hectares restants « répondent pleinement à nos besoins d’agriculture de proximité », explique Aïcha Sif, adjointe en charge de l’Agriculture urbaine.
La municipalité envisage de remettre ces terres en culture, en particulier pour le maraîchage. « Et on a lancé l’étude pour savoir quelles sont les plantes les mieux adaptées au climat, car on ne peut pas faire n’importe quoi », précise l’élue.
La spécialiste en permaculture, Fériel Bissekri, travaille dans ce sens avec un bureau d’étude pour déterminer le nombre de producteurs qui pourront être installés et les types de cultures adaptés au climat méditerranéen. « La permaculture, c’est mettre en place des systèmes résilients et efficaces pour répondre à tous nos besoins vitaux, donc à la fois la production nourricière, la production énergétique, l’organisation du corps social, l’architecture bioclimatique… », précise la cheffe de projet.
L’objectif est de transformer cette parcelle en « pôle agricole », assure Aïcha Sif, pour répondre aux besoins des futures « cuisines de proximité », que la Ville entend construire à l’horizon 2028. Dans le cadre de son plan « cantines de demain », la majorité a engagé une démarche de remunicipalisation de la restauration scolaire, assurée aujourd’hui par Sodexo, dont la délégation de service public prend fin en septembre 2025.
« Le but du jeu, c’est de répondre à la fois aux cantines et à la précarité alimentaire dans les quartiers Nord de Marseille », ajoute Fériel Bissekri.
Une nouvelle DSP pour la ferme pédagogique courant 2025
Le Domaine de Montgolfier ne sera pas ouvert au public comme un parc classique, à l’instar du parc Borély, afin de préserver les cultures et la biodiversité. Il restera néanmoins un lieu d’éducation et de production. Sa transformation en pôle agricole inclut des initiatives éducatives et environnementales, au sein de la ferme pédagogique.
Depuis la fin de la délégation de service public en 2021 pour la ferme urbaine, deux animateurs de la Ville continuent la mission de sensibilisation des scolaires, de la maternelle au CP, accueillis quotidiennement.
Une nouvelle délégation de service public pour la gestion de la ferme pédagogique devrait être lancée courant 2025, en continuité avec les efforts précédents.
Elle continuera d’accueillir des classes, avec des projets autour du cycle du vivant, de la graine à l’assiette, en passant par les producteurs et la gestion des déchets via le compost. « Des cuisines modernes ont été installées pour promouvoir le mieux manger, en collaboration avec des associations locales », ajoute l’adjointe à l’Agriculture urbaine.
Le parc urbain des papillons (PUP) dispositif unique en France, y déploie aussi ses ailes. La chercheuse Magali Deschamps-Cottin, enseignante-chercheuse au laboratoire LPED d’Aix-Marseille Université, y conduit des études sur les lépidoptères et sur la flore urbaine. Un travail qui a permis de doubler le nombre d’espèces de papillons en une décennie. Une parcelle d’un hectare est dédiée à ses recherches.
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Vidéo | Au Nord de Marseille, un parc accélère le retour des papillons en ville
Créer un des plus grands parcs agricoles d’Europe sur site protégé
Le projet de pôle agricole implique différentes collectivités, notamment la Métropole Aix-Marseille-Provence et le Département des Bouches-du-Rhône alignés « sur l’objectif de créer un des plus grands parcs agricoles d’Europe [sur un site protégé], assure Aïcha Sif. Nous avons considéré que l’alimentation de qualité devait être partagée entre toutes les collectivités ».
D’ailleurs, c’est au début des années 2010 que la dénomination parc de Montgolfier est apparue. Face à l’urbanisation croissante dans la cité phocéenne, notamment avec l’ouverture à l’urbanisation de 350 hectares des Hauts de Sainte-Marthe en 2000, dont 149 hectares en Zone d’aménagement concerté (Zac), les responsables politiques souhaitaient préserver cet espace vert.
À l’époque, Laure-Agnès Caradec, alors adjointe au maire déléguée aux espaces naturels, et Garo Hovsepian, maire des 13-14, s’étaient engagés à ne pas urbaniser ce parc. Une délibération en ce sens a été prise par le conseil municipal en février 2012.
Le projet continue de s’inscrire dans une vision plus large de valorisation foncière. « Cette planification agricole marseillaise montre notre engagement résolu en ce sens, au bénéfice de la relocalisation de la production alimentaire. Cette initiative vient compléter les circuits courts déjà en place et renforcer l’autonomie alimentaire de la ville », conclut Aïcha Sif.