Une machine autonome et mobile, capable de produire entre 500 et 600 litres d’eau par jour en captant l’humidité dans l’air, va être installée en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Cette technologie est soutenue par la Région Sud dans le cadre de son Plan « Or Bleu » pour lutter contre la sécheresse.

C’est au cours d’un voyage au Mali il y a 15 ans, dans le pays Dogon, que Philippe Gonin observe des femmes marcher des kilomètres pour ramener de l’eau dans leur village à flanc de falaise. Il se promet alors qu’un jour il montera une société de forage d’eau en Afrique « pour amener de l’eau là où il n’y en a pas ».

Les années se sont écoulées. L’ingénieur a créé son entreprise d’informatique. Mais cet engagement ne l’a pas quitté. Alors, en 2019, il se forme au forage. « C’était très dur physiquement, avec des tiges qui pèsent jusqu’à 80 kilos », se souvient le cinquantenaire.

Dans le même temps, un ami lui apprend l’existence de machines produisant de l’eau à partir de l’humidité de l’air. Dans la foulée, Philippe Gonin lance sa société Airdrink, qui recense « les meilleures machines sur le marché ». Il les vend entre 1 500 et 200 000 euros, en fonction de leur taille, avec une capacité de production d’eau pouvant aller jusqu’à 10 m3 par jour.

Le fonctionnement de ce générateur d’eau atmosphérique « est simple » soutient l’entrepreneur. On aspire de l’air avec un ventilateur. L’air est ensuite refroidi grâce à un petit frigo qui comprime du gaz stocké dans la machine. L’eau se condense en gouttelettes qui sont récupérées, filtrées puis reminéralisées.

Une capacité de production de 500 à 600 litres par jour

En 2023, l’ingénieur rencontre un fournisseur en Israël avec Renaud Muselier, président de la Région Sud. Convaincu par cette technologie dans le cadre de son plan Or Bleu, lancé en mars dernier pour anticiper les effets de la sécheresse, la collectivité a ensuite commandé à Philippe Gonin un démonstrateur mobile en janvier dernier.

En quatre mois, le chef d’entreprise a peaufiné son projet baptisé « La Tulipe » qui entrera en fonctionnement courant juin. Cette machine, fabriquée par le constructeur espagnol Genaq, sera autonome en énergie et alimentée par 14 panneaux photovoltaïques, installés sur une remorque spécialement conçue par le métallier Métal pro concept à Auriol.

La production d’électricité en journée permettra ainsi de faire fonctionner la machine de jour comme de nuit, grâce à l’énergie stockée dans cinq batteries annexes.

En revanche, il existe plusieurs conditions à son utilisation. La Tulipe doit être installée dans un environnement à minimum 15 degrés avec un taux d’humidité supérieur à 30%. Pour produire entre 500 et 600 litres par jour, les conditions sont plus drastiques : la température doit avoisiner les 26 degrés et le taux d’humidité être supérieur à 80%.

eau, Une machine va produire de l’eau en captant l’humidité de l’air dans la région, Made in Marseille
© Airdrink

Des freins réglementaires en France

Pour Philippe Gonin, « la course technologique, c’est avant tout de fabriquer de l’eau avec un minimum d’énergie ». En effet, si l’eau coûte cher à produire alors elle ne sera pas viable économiquement.

Cette technologie est répandue au Moyen-Orient, notamment à Dubaï ou aux Emirats arabes unis, car l’eau y est rare. Mais, en France, l’eau d’origine atmosphérique n’a pas obtenu les autorisations de l’Agence régionale de santé (ARS) pour être potable. « Partout ailleurs en Europe, comme en Italie et en Espagne, c’est autorisé. Mais chez nous ça traine… », regrette le patron.

Ce dernier donne l’exemple, en 2020, de la pénurie d’eau dans la Vallée de la Roya (Alpes-Maritimes) à la suite du passage dévastateur de la tempête Alex. Pour répondre à cette situation dramatique, le Prince Albert de Monaco souhaitait offrir une de ces machines à la France. Mais « le préfet avait refusé », rappelle Philippe Gonin.

Pour accélérer les autorisations, la Région Sud échange régulièrement avec les ARS notamment dans le but d’anticiper son expérimentation sur la réutilisation des eaux usées.

Alimenter les petites communes en eau

En attendant, Philippe les commercialise au secteur privé. Ses clients actuels sont plutôt basés dans les DOM-TOM pour arroser les espaces verts et nettoyer la voirie. « En particulier à Mayotte où les nappes phréatiques sont amoindries », assure-t-il.

L’entrepreneur a aussi, en parallèle, créé l’association Airdrink.org pour déployer des machines au Togo et à Madagascar. Une initiative financièrement soutenue par le Département des Bouches-du-Rhône et la Métropole Aix-Marseille-Provence.

Au niveau local, son dessein est de faire connaître le concept. Et, à terme, de l’implanter dans toutes les communes, terrains agricoles, maisons qui seraient éloignées de la ressource en eau. « Beaucoup de petites communes comme Fayence dans le Var sont touchées par un stress hydrique. Contrairement aux grandes villes comme Marseille qui sont alimentées par la Durance et la société du Canal de Provence », explique l’expert.

Le projet « La Tulipe » sera d’ailleurs mobile. Ce démonstrateur passera de commune en commune pour être testé, puis adopté par celles qui le souhaitent.

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