Les centres sociaux tirent la sonnette d’alarme et lancent un appel aux collectivités territoriales pour la création d’un fonds d’urgence. Une nécessité pour continuer à faire fonctionner leurs structures, actrices du lien social.
« Nous n’avons pas de tracteurs pour bloquer les routes, mais nous sommes mobilisés de manière pacifique pour faire entendre nos voix et interpeller les pouvoirs publics sur nos difficultés », lance Nathalie Raymond, présidente de l’Union des centres sociaux des Bouches-du-Rhône (UCS 13). De nombreux représentants se sont mobilisés à Marseille, mercredi 31 janvier, répondant à l’appel lancé par la Fédération des centres sociaux et socioculturels de France (FCSF).
Entre suppression de financements, surcharge administrative, horaires d’ouverture restreints voire fermetures, salariés précarisés, réduction de la capacité d’accueil des personnes, et non-reconduction de postes… Les centres sociaux, acteurs essentiels de la cohésion sociale, font aujourd’hui face à des défis conséquents.
« Nous sommes dans une situation d’urgence, alerte Isabelle Foucher, déléguée générale à la FCSF. Cela fait quelques années qu’on essaye de faire toujours plus avec toujours moins de moyens. On reçoit des alertes de centres sociaux partout en France qui nous disent qu’on ne peut plus faire de lien social avec des bouts de ficelle ».
Le pays compte 1400 centres sociaux, dont 99 structures dans le département et 60 à Marseille. Au niveau national, « cela représente 62 000 salariés, un budget mobilisé de 1,6 milliard d’euros, et 4 millions d’habitants qui fréquentent les centres et y trouvent des espaces de rencontre, d’aide, d’activités et de lien social, reprend la porte-parole. À ce jour, il manque autour de 130 000 euros en moyenne par équipement pour fonctionner ».
Un fonds d’urgence de 64 millions d’euros
Parmi leurs demandes pour l’année 2024, « la nécessité d’un fonds d’urgence de 64 millions d’euros. Sinon, très rapidement, les activités vont s’arrêter les unes à la suite des autres, prévient-elle. Comme on a beaucoup rogné les années précédentes, les centres sociaux n’ont plus de trésorerie pour la plupart. En plus d’aller à la pêche aux financements, payer les salaires est un stress quotidien ».
Les représentants d’une trentaine de structures marseillaises se sont joints au rassemblement dans les locaux de la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (Cress). Avec 50 ans d’expérience associative, Anne-Marie Tagawa, membre du conseil d’administration du centre social Agora de la Busserine (14e), a vu les coupures budgétaires s’accélérer d’année en année. « On est sur une situation de précarité. Nous sommes tous en déficit. On n’a aucune stabilité sur nos financements, ce qui fait que toutes nos actions sont hypothéquées ».
Et d’évoquer aussi la multiplication des dossiers à remplir. « Aujourd’hui, quand on est bénévole, on passe notre temps à chercher des financements à droite, à gauche, ce qui fait qu’on est moins présents sur le terrain ». « Pour pouvoir survivre, un centre social doit répondre à entre 50 et 100 appels à projets par an, ce qui immobilise énormément les salariés », renchérit Nathalie Raymond.
Certains, comme le centre social Les Lierres (12e), ont dû se résoudre à suspendre leurs activités. « On ne sera pas en mesure de proposer d’activités culturelles cette année, car nous avions un bonus sur les actions d’accompagnement à la scolarité qui n’a pas été reconduit », déplore son dirigeant Joël Rambaud, qui plaide pour la mise en place d’un dossier unique de demandes de subventions.
« Nous sommes le noyau de la lutte contre les fractures sociales »
Au niveau national, 60% des centres sociaux se trouvent dans des quartiers prioritaires des politiques de la ville, et un quart dans des zones de revitalisation rurale. « Quid d’un territoire en difficulté dans lequel un centre social disparaît ? Quels endroits reste-t-il pour se rencontrer, créer du collectif ? », interroge Isabelle Foucher, déléguée générale à la FCSF.
« Nous, les centres sociaux, sommes le noyau du quartier et de la lutte contre les fractures sociales, fait valoir Céline Burgos, présidente du centre social de la Busserine. Les personnes viennent chez nous parce qu’elles ont faim, parce qu’elles n’ont pas de logement, parce que leur fils a été appelé par le réseau [de drogues], pour faire garder les enfants… Les subventions baissent de plus en plus, donc nos prestations ne peuvent pas être au niveau des besoins, ce qui impacte directement la population. L’État doit prendre ses responsabilités », assène la bénévole.
Un appel aux coresponsables
À la suite de ce point presse, une délégation de représentants bénévoles ont fait part de leurs revendications à Michaël Sibilleau, préfet délégué à l’égalité des chances. De premières commissions de travail avaient eu lieu avec l’ensemble des partenaires en novembre 2022. Malgré une revalorisation des plus petits salaires, « le compte n’y est toujours pas », estime la déléguée générale à la FCSF.
Si la Ville de Marseille a annoncé abonder de 1,5 million d’euros supplémentaires pour les centres sociaux à partir de cette année, « ils ne peuvent pas être les seuls, estime Anne-Marie Tagawa. Nous espérons que le préfet impulsera un vrai travail vis-à-vis des autres institutions. On lui demande de piloter une table ronde sur laquelle il y ait des réponses financières aux revendications légitimes qui sont posées par les centres sociaux. On a fait des propositions, on attend qu’il y ait des réponses », poursuit l’ancienne éducatrice sociale.
Début janvier, la FCSF a lancé un appel aux coresponsables de la cohésion sociale, une campagne de signatures qui aurait déjà rassemblé plus d’une dizaine de milliers de témoignages de soutien aux centres sociaux. Leur fédération en fera part à ses partenaires financiers (collectivités locales, CAF, État) lors d’une table ronde, à l’occasion du Conseil économique, social et environnemental (CESE), le 7 mars prochain à Paris.