Le Parti socialiste des Bouches-du-Rhône lance une campagne de lutte contre les précarités, en interpellant Martine Vassal, présidente du Département, chef de file de l’action sociale et des solidarités, à travers une lettre ouverte.
« Si on obtient autour de 3000 signataires, ça sera intéressant. Moins, ce serait regrettable. Et plus, c’est encore mieux », espère Yannick Ohanessian. Au 33, rue Thubaneau, à Marseille (1er), le premier secrétaire de la Fédération socialiste des Bouches-du-Rhône entend débuter l’année 2024 dans un esprit de solidarité.
À six mois du scrutin des Européennes, les militants socialistes ont décidé de mener une bataille après l’autre. Face aux crises successives, les conséquences de l’inflation actuelle sur les ménages les plus vulnérables, l’équipe fédérale veut se lancer dans une campagne pour favoriser l’aide sociale en faveur de la lutte contre la pauvreté et les exclusions.
Elle se traduit par une lettre ouverte à l’attention de Martine Vassal, présidente (DVD) du Département des Bouches-du-Rhône, chef de file de l’action sociale et des solidarités. Affiches, tracts, réseaux sociaux… elle se déclinera aussi à travers des actions de terrain, dès ce week-end dans différents lieux du territoire (Miramas, Salon-de-Provence, Castellane, Vieux-Port…) « pour donner des éléments objectifs et très factuels aux habitants », justifie Yannick Ohanessian. L’adjoint à la sécurité du maire de Marseille défend une vision « plus sociale » que celle de Martine Vassal « de droite ».
Réorienter les politiques publiques départementales
Si cette question a déjà été soulevée dans l’hémicycle départemental, l’objectif des socialistes n’est pas de remettre en question la manière dont Martine Vassal mène ses politiques publiques. « Je pense que la présidente Vassal est une femme intelligente, qui peut tout à fait être à l’écoute d’une situation. L’intérêt pour nous, ce n’est pas d’être dans une opposition stérile et politicienne. C’est vraiment d’essayer de la convaincre qu’il y a d’autres moyens dans la période actuelle pour lutter contre la précarité et que le poids de ce que diront les Bucco-Rhodaniens, avec la signature massive de cette lettre ouverte, peut l’inviter à changer de politique publique en la matière », défend le conseiller départemental.
En ligne de mire, l’aide aux communes qui représente 148 millions d’euros (sur un budget de 2,6 milliards) et qui pourrait, selon le PS13, être utilisée pour financer des dispositifs déjà testés dans d’autres départements tenus par la gauche.
Les exemples ne manquent pas : La Haute-Garonne distribue des bons alimentaires (5,5 millions d’euros budgétisés), en Seine-Saint-Denis, un chèque alimentaire durable a été mis en place, la Gironde expérimente une sécurité sociale de l’alimentation, avec l’aide de collectifs, une aide au permis de conduire est proposée en Loire-Atlantique…. « On a fait ce benchmark pour regarder ce qui se faisait ailleurs et pour comparer. Il y a les moyens de faire différemment et de devenir un amortisseur, notamment auprès des jeunes publics. Lorsque les étudiants viennent chercher dans les banques alimentaires de quoi se nourrir, ça doit nous interroger. Ce n’est pas directement la faute de l’exécutif départemental, cette situation est liée à une crise nationale, voire européenne. Par contre, sa responsabilité, c’est de mettre des choses en place », poursuit Yannick Ohanessian.
La question des mineurs-non accompagnés
Parmi les sujets abordés, le PS13 pousse aussi pour « de meilleures conditions d’accueil pour les mineurs non-accompagnés ». À Marseille, entre 150 et 200 mineurs non-accompagnés (MNA) dorment dans la rue, selon les associations. Lorsqu’une personne se déclare mineure, le Département, compétent en matière de protection de l’enfance, doit effectuer une mise à l’abri et une évaluation de minorité dans les 5 jours. En pratique, les délais sont bien plus longs, dénoncent-elles.
« Les Départements sont dans l’incapacité de faire face à la hausse constante du nombre de mineurs non- accompagnés, s’alarmait Martine Vassal, dans un entretien au Figaro, en novembre dernier. Dans les Bouches-du-Rhône, nous prenions en charge 200 jeunes migrants en 2015 ; d’ici à la fin de l’année [2023], nous devrions en avoir 2000, soit une augmentation de 900% et un budget qui a bondi de 8 à 80 millions d’euros en huit ans ».
Une « situation intenable et nous ne pourrons très bientôt plus financer une telle charge », prévenait-elle, se disant prête à se mettre « hors la loi » plutôt que de prendre en charge des mineurs non-accompagnés, « s’il faut sauver les missions essentielles de ma collectivité. Je mesure la portée de ce message, mais malheureusement il correspond à une réalité qui ne va pas aller en s’améliorant ».
Le 7 février, le PS organise une rencontre avec le tissu associatif local (L’Armée du Salut, la Fondation Abbé-Pierre, les Restos du Cœur, Copains…) dans les locaux de la fédération « pour connaître leurs difficultés et connaître le niveau de précarité dans le département, déjà l’un des plus touchés de France ».
Le point d’orgue de cette campagne interviendra le 22 février, à l’occasion d’une réunion publique au théâtre de l’Œuvre, ponctuée de nombreux témoignages de personnes précaires, de représentants d’autres départements et « toutes celles et ceux qui auront signé la lettre ouverte » qui sera remise à Martine Vassal au cours d’une prochaine séance plénière.
La jeunesse redonne doucement vie au parti de la rose
Même s’ils s’en défendent, cette opération est un préambule aux Européennes (9 juin 2024), pour remettre en lumière une fédération qui semble sortir doucement de sa longue convalescence. « Elle est en reconstruction », confirme le partisan d’Olivier Faure. Celle qui a longtemps figuré parmi les plus puissantes de France compte aujourd’hui quelque 1400 adhérents au niveau local. La troisième en nombre et la première fédération dans le texte d’orientation n°2 qui a donné le plus de voix au patron du PS, courant majoritaire.
« On a +20% d’adhésions depuis 2020 ». Dans ces quasi 250 adhésions supplémentaires, « on a 30% de jeunes de moins de 25 ans, qui ont adhéré ou réadhéré pour certains », se félicite le secrétaire départemental.
Un fait nouveau pour ce parti quelque peu vieillissant dans ses effectifs, mais qui n’enlève rien au militantisme des plus expérimentés. « On a un renouvellement générationnel qui s’organise. Ça fait du bien d’avoir une bouffée d’oxygène, une nouvelle génération qui a envie de s’impliquer », poursuit Yannick Ohanessian.
Après la décrue, consécutive aux brouilles des municipales marseillaises de 2014 et l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, cette nouvelle dynamique s’explique par différents événements, au premier rang desquels la création du Printemps marseillais en 2020 : « On a vu tout de suite des gens revenir au parti quand on a gagné la Ville et ce moment où on a décidé de tous baisser les drapeaux et de faire un collectif », explique l’élu.
De la même façon, « il s’est passé quelque chose quand on a dépassé le cadre de nos formations avec la Nupes. Il y a eu de nouveaux adhérents à ce moment-là ». La nouvelle direction à la tête du parti « plus impliquée dans le milieu associatif, de nouveau ouverte sur la société et la bagarre menée contre la réforme des retraites » seraient aussi à l’origine de l’engagement politique de la jeunesse, très mobilisée.
« Faire bloc face au populisme »
Un renfort pour faire campagne derrière la (presque) tête de liste Raphaël Glucksmann (Place Publique). La multiplication des listes sur la ligne de départ ne sera pas un obstacle « pour faire bloc tout de suite après l’élection au parlement européen face aux groupes des libéraux et à l’extrême droite européenne, estime Yannick Ohanessian. On est dans un contexte particulier en Europe, où les populistes de tout poil prennent du poids ».
Au sein du groupe social-démocrate européen, il n’exclut pas de travailler avec la gauche radicale européenne, avec les écologistes… « et on l’a déjà fait pour porter une opposition et il faudra aussi regarder comment les gauches dans leur ensemble sur le continent européen arrivent à envoyer un maximum de députés ».
Nora Mebarek, députée européenne sortante en sixième position sur la liste Envie d’Europe écologique et sociale (PS et Nouvelle Donne), menée par Raphaël Glucksmann, lors des élections européennes de 2019, pourrait figurer en position éligible sur la liste. « Mais les places sont chères », ajoute l’élu.
Outre la co-présidente de Groupe Socialistes et Démocrates français au Parlement, quatre socialistes de la fédération PS des Bouches-du-Rhône ont fait acte de candidature : Sophie Roques, adjointe au maire de Marseille, déléguée à l’État civil, Audrey Gatian, adjointe au maire de Marseille, en charge de la politique de la Ville et des mobilités, Magali Holagne et Thibaud Rosique, respectivement candidats de la Nupes, lors des législatives de 2022, dans la sixième et première circonscription des Bouches-du-Rhône. Ils espèrent se positionner pour éviter que près des trois quart des candidats éligibles ne soient que des parisiens intra-muros.