Phocea DC va réhabiliter un bâtiment industriel dans le 3e arrondissement de Marseille pour installer son premier data center. Présenté comme peu énergivore par le porteur du projet, l’équipement devrait être opérationnel fin 2024.
À l’heure où Marseille est en passe d’entrer dans le top 5 des hubs numériques mondiaux, Phocea DC, fournisseur de centres de données « écoresponsables », va y implanter son premier data center. « S’installer là où il y a la demande est une évidence et qui plus est au plus près de la connectivité », justifie Damien Desanti, fondateur et CEO de Phocea DC.
Ces dernières années, Marseille s’est imposée comme la plaque tournante de l’internet sous-marin mondial grâce à sa position géostratégique. Véritable porte d’accès numérique entre l’Europe, l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie, en 10 ans, Marseille est passée du 44e au 7e rang mondial des hubs numériques, avec l’objectif affirmé d’intégrer le top 5 en 2024, avec 23 câbles raccordés.
Pour créer son premier équipement marseillais, la jeune pousse fondée l’année dernière a bouclé un tour de table à 5 millions d’euros auprès d’investisseurs français issus de l’IT.
Priorité aux acteurs locaux
Une enveloppe levée auprès de Reflexion Capital, fonds d’investissement lancé fin 2019 par Nicolas Meunier, ancien de Siparex, conscient du potentiel qu’offre la deuxième ville de France. « La quantité de données créées chaque année continue d’évoluer de manière exponentielle, avec un impact non négligeable sur la consommation électrique et le stockage de données. Ce phénomène est loin de s’inverser dans les prochaines années, et seule une approche écoresponsable permet de traiter le sujet », souligne le CEO de Reflexion Capital.
Phocea DC présente son data center comme une alternative souveraine et régionale en circuit-court aux offres d’hébergement actuelles. Ses services d’hébergement sont d’ailleurs destinés aux acteurs locaux : collectivités, entreprises, opérateurs et services d’infogérance.
Des entreprises locales ont déjà manifesté leur intérêt, séduites par les arguments de sobriété énergétique et de souveraineté numérique 100% française. « Contrairement à certains de nos concurrents américains, qui servent en priorité les intérêts des GAFAM, nous serons en mesure de répondre aux besoins et aux attentes des acteurs économiques locaux », assure Damien Desanti.
L’ancien directeur infrastructure et production du data center souverain de La Ciotat (ASP Serveur), cible quelque 200 clients en fonction de leur topologie.
Un data center de proximité moins énergivore
Les travaux de réhabilitation d’un bâtiment industriel abandonné sur un foncier privé viennent de débuter dans le 3e arrondissement de Marseille « pour être plus près de la connectivité des câbles sous-marins et avoir une latence minimale », justifie le patron.
Fin 2024, l’infrastructure occupera une surface de 1 700 m2 pour une puissance au départ de 1,2 mégawatt disponible, avant une éventuelle nouvelle tranche, soit l’équivalent de la consommation de 10 000 habitants. « Je ne vise pas la même finalité que les hyperscaleurs, avec de très gros volumes. Cela affranchit toute problématique de dimensionnement et d’implantation. Ça permet de trouver des solutions plus adaptées, avec la revalorisation du foncier et d’avoir un bilan carbone optimisé. On est plus sur un data center de proximité », assure le spécialiste de l’IT, qui a évolué à Sophia-Antipolis et La Ciotat.
Le futur équipement est conçu pour répondre aux exigences environnementales et respecter les normes européennes qui prévoient que les centres de données soient neutres en carbone à l’horizon 2030. « Avec nos prestataires techniques, on vise un PUE [indicateur de mesure Power usage effectiveness, plus il est bas, meilleur est le rendement, ndlr], de 1,2 et une performance énergétique 70% inférieure aux offres traditionnelles », assure Damien Desanti.
Pour un développement raisonné
Grâce aux dernières « innovations de nos partenaires technologiques » la start-up entend utiliser la chaleur fatale pour le bâtiment, mais également tester d’autres solutions, telles que l’immersion cooling. Ce refroidissement liquide consiste à utiliser un circuit d’eau directement à l’intérieur des machines pour dissiper la chaleur émise par les composants.
Dans la course à la réduction de l’impact écologique des data centers, l’hydrogène apparaît également comme une alternative. « Nous avons d’ailleurs déjà commencé à créer des passerelles avec des start-up locales pour améliorer notre impact carbone et améliorer l’efficience du site dans la deuxième tranche d’équipements », nous annonce Damien Desanti, qui ne fait appel qu’à des fournisseurs hexagonaux.
Avec son data center, le patron de Phocea DC estime entrer pleinement dans la stratégie de la Ville de Marseille, qui souhaite réguler l’implantation des data centers pour leur meilleure intégration urbaine avec de nouvelles solidarités énergétiques locales.
« Notre enjeu était de trouver une solution adaptée aux contraintes de la ville. En termes de taille, d’échelle et dans sa conception, le data center s’inscrit déjà dans une logique écoresponsable pour prendre en compte tout de suite les enjeux climatiques et qui puissent répondre à la demande locale. Le but est de montrer que cette solution est possible sans faire appel à des hyperscaleurs. Il ne s’agit pas d’empêcher le développement des centres de données, mais de le faire de façon raisonnée. Je pense qu’on apporte une alternative au tissu économique régional ».