À l’occasion de la dernière étape de son marathon marseillais, devant les acteurs du Port, le Président de la République a dit réfléchir à l’accueil de centrales nucléaires sur le bassin de Marseille-Fos. Mais le risque sismique est réel.
En visite sur le Port de Marseille, dernière étape de son marathon de trois jours dans la cité phocéenne, le Président de la République a évoqué le « sujet énergétique » ainsi que la possibilité d’installer des centrales nucléaires sur le bassin de Marseille-Fos.
« La loi ne prévoit pas aujourd’hui de déployer des EPR en-dehors des sites existants, rappelle Emmanuel Macron. Or il est clair aujourd’hui que la décarbonation de notre industrie, l’explosion du numérique et les besoins en électricité vont supposer d’accélérer sur le renouvelable mais aussi sur le nucléaire. Car les besoins que nous avons ne seront pas satisfaits avec nos capacités existantes ». Il estime que « 4 EPR supplémentaires » seraient ainsi nécessaires.
Il pose « sans tabou » la question de l’implantation de centrales le long du littoral industrialo-portuaire. « Ce n’est pas absurde du tout, argumente-t-il. C’est un terrain qui a une vocation en la matière. Pourquoi ? Parce qu’on sait qu’on a aussi un immense sujet de refroidissement des centrales. Et les centrales à venir auront vocation à être beaucoup plus près de la mer ».
Le chef de l’Etat souhaite donc ouvrir une concertation pour savoir si ce bassin économique est prêt à les accueillir. Il devra convaincre le maire Benoît Payan, qui s’y est déjà fermement opposé. « Je pense que lorsque le Président parle des EPR, il parle de la nécessité énergétique que demande le développement de l’industrie. Mais il suffit de regarder une carte pour savoir qu’ici il n’y aura pas la possibilité de construire un EPR. On est en zone submersible, en zone sismique. S’il y a un endroit en France où on ne pourra pas faire un EPR, c’est à Marseille ».
Un risque de séisme réel
La ville fait en effet partie d’un système global que l’on désigne sous le nom de « système du poinçon ». Le géologue Michel Villeneuve nous éclaire sur la situation marseillaise. « Dans la mesure où nous sommes en zone de compression et non d’extension, il y a un risque de séismes », nous confirme le spécialiste, qui a publié en 2019 une mise à jour de la carte géologique Aubagne-Marseille. Elle révèle que plusieurs indices sur le terrain ont montré qu’une « contrainte tectonique compressive était bien réelle ».
Concrètement, « on est soumis à la compression des Alpes, c’est pour ça qu’on a eu des séismes à Gardanne. On a des failles parallèles à celles de Gardanne dans Marseille et au Sud dans les Calanques. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas eu de séisme jusqu’à aujourd’hui qu’il n’y a pas de risques. Ça ne s’est simplement pas encore exprimé. Les Alpes progressant du Nord vers le Sud, un jour ou l’autre, elles atteindront la zone de Marseille. Ça peut être demain matin comme dans 1000 ans. On ne connaît pas le temps géologique ».
Le directeur de recherche honoraire du CNRS reste sceptique sur l’implantation de centrales sur le pourtour méditerranéen. Même si la zone de Fos reste « plus stable », il évoque là le risque de tsunami. « Je comprends la volonté de faire près de la mer, pour des questions des pompages, pour avoir l’eau à portée de main, mais il faut faire attention aux implantations en bord de mer, prévient l’expert. En Méditerranée, on connaît des tsunamis. Il y en a eu et il y en a encore, même petits. Il faut prévoir qu’un jour ou l’autre, ils pourraient atteindre 4-5 mètres de haut, ce ne sont pas de petites vagues ».
Pour construire en bord de mer, comme le préconise le Président, il faudrait donc « surélever » les centrales, ou « trouver une zone haute et sans habitations dans les environs », préconise-t-il. « Je ne discute pas le fait qu’il faille mettre toutes les énergies décarbonées en état, on n’y échappera pas. Les énergies renouvelables ne remplaceront pas totalement toutes les autres énergies, autant utiliser celle-là, mais l’utiliser dans de bonnes conditions, car ça serait dommage que pour résoudre un problème actuel, on crée des problèmes dans 5 ans, voire un risque de causer une catastrophe », explique Michel Villeneuve, rappelant l’accident nucléaire de Fukushima (Japon).