Comment l’emblématique tapis rouge du Festival de Cannes, ses tasseaux et son affiche géante sont revalorisés par la Réserve des arts à Marseille ? Découverte des coulisses.

« Il faudrait qu’ils mettent encore plus d’agrafes sur les tasseaux », s’amuse Florent, dégrafeuse à la main. Affairé dans un atelier de fortune, créé de toutes pièces à l’extérieur de l’entrepôt, l’équipe de la Réserve des arts a une mission. Voilà trois ans qu’elle revalorise le tapis rouge du festival de Cannes, ses tasseaux et son affiche géante.

Ces « valoristes », employés par la Réserve, doivent remettre en bon état la moquette, ainsi que la bâche alias la grande affiche ainsi que les tasseaux des deux semaines cannoises. Une tâche longue et fastidieuse car cela représente pas loin de 800 kg de tapis et « une tonne, je pense, quand nous aurons fini la valorisation », confie Jeanne Ré, responsable de ce petit écosystème.

Enlever les agrafes en trop grand nombre selon Florent pose visiblement problème, « on va essayer de faire remonter l’info, diminuer la quantité d’agrafes. Il n’en faut pas autant, soupire l’homme, soutenu par les autres valoristes. S’il peut y avoir un échange entre ceux qui produisent et ceux qui réceptionnent, c’est bien ».

Même principe pour la moquette, cheveux de stars et mégots sont aspirés, et les trous dus aux talons aiguilles ou à une découpe spéciale sont retirés. Les pièces du tapis sont par la suite découpées et les surfaces sont mesurées pour obtenir des dimensions correctes à la vente et vendues un euro le kilo.

Une ressourcerie artistique

La Réserve des arts est une association nationale née en 2008 à Paris, avec l’ouverture d’un premier entrepôt, puis un second à Pantin (93). Le troisième a ouvert ses portes à Marseille, en 2020, dans le 15e arrondissement, à l’initiative de Sylvie Betard et Jeanne Granger.

Les deux femmes, issues du milieu de l’art et de l’écologie, dressent un double constat : les entreprises génèrent des déchets de matières premières et n’ont pas le stockage adéquat. De l’autre côté, des étudiants artistes, créateurs ont besoin d’une matière première à bas prix. Le binôme décide de devenir « ce pont » afin de soutenir les créateurs et professionnels à plusieurs endroits du « cycle de vie des matériaux ».

Son ancrage territorial lui permet de réceptionner des matériaux de Montpellier jusqu’à Monaco pour leur offrir une seconde vie. La ressourcerie récupère ainsi des objets, tissus, bois, métal, cuir… provenant de manifestations culturelles, de tournage de films, d’expositions, de musées ou théâtre, de la Fashion Week et depuis trois ans, du Festival de Cannes avec le fameux sol rouge ROSSO et TEATRO – teintes de couleurs exclusives à Cannes – emblématiques de la montée des marches. « L’année dernière, c’est la Réserve qui a dû aller chercher le tapis à Cannes tandis que cette année, c’est le Festival qui est venu nous le déposer », explique Jeanne Ré qui voit d’un œil positif ce changement.

Dans cette rue industrielle, à dix minutes à pied du métro Gèze, les tasseaux de bois sont en cours de valorisation. La Réserve des arts fait appel à des auto-entrepreneurs et professionnels du secteur culturel pour « environ une mission par trimestre », avance Florent, voire plus, « en été, il y en a davantage », continue Thibault, son bob vissé sur la tête et perceuse à la main.

Le lieu accueille aussi des artistes en résidence au sein de ses trois ateliers, situés à l’étage. Ces artistes sont accueillies durant quatre mois et doivent proposer à leur sortie une exposition de leurs œuvres.

Zoé, l’une des deux artistes en résidence actuellement, propose des « objets fonctionnels », en réutilisant des produits « en fin de vie » qu’elle revalorise ainsi. Margot, quant à elle, est orientée sur le textile. « Je travaille sur une scénographie textile en réutilisant des draps de seconde main », détaille la trentenaire.

tapis rouge, Le tapis rouge de Cannes s’offre une seconde vie à Marseille, Made in Marseille
Margot, l’une des deux artistes en résidence nous montre sa première oeuvre, fait de draps de seconde main.

La Réserve des arts cherche un nouveau local

Par ailleurs, la Réserve des arts propose du matériel de création aux étudiants et professionnels à des prix solidaires. Dans leur entrepôt de 600 m2, tous les adhérents, des personnes issues du milieu culturel, soit « beaucoup d’étudiants en architecture, en mode », peuvent trouver leur bonheur.

Aujourd’hui, la Réserve des arts de Marseille compte cinq employés : « Au début on était deux, on a bien évolué », se réjouit la responsable. Cependant, à la fin de l’année, la Réserve doit fermer ses portes, conformément au projet d’urbanisme transitoire MOVE (Massalia Open Village Expérience) porté par Euroméditerranée. L’aménageur avait mis cet espace à disposition durant une période de 2 à 5 ans afin de lancer leur projet. « On est en pleine recherche pour trouver un local encore plus grand, avec plus d’ateliers, et pour avoir plus d’employés ».

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