Après deux années blanches, le salon « découvertes en Vallée du Rhône » a fait son grand retour à Avignon cette semaine. L’occasion pour Inter-Rhône de dresser le bilan de l’année 2021. Malgré les difficultés liées aux conditions climatiques, sanitaires, le durcissement de la règlementation… les vins de la vallée du Rhône ont la cote à l’international et jouent la diversification.
« Compliquée et atypique ». C’est ainsi que Philippe Pellaton, président d’Inter-Rhône qualifie l’année 2021, marquée par de nombreux bouleversements pour les vignobles de la vallée du Rhône. Les aléas climatiques, avec un gel de printemps très important, ont fortement impacté les exploitations agricoles, avec pour conséquence une récolte déficitaire par rapport aux années précédentes. « La deuxième plus petite récolte de ces dix dernières années (2,6 millions d’hectolitres), après celles de 2013 et 2017 », souligne Philippe Pellaton, en marge du salon « découvertes en Vallée du Rhône », qui se referme ce soir au Palais des Papes, à Avignon. Un événement dont il souligne l’importance, car, après deux années blanches, en raison de la crise sanitaire, ce salon a permis de revenir au contact des clients et des acteurs du marché.
Pour cette 11ème édition et pour la première fois depuis sa création, « Découvertes » a ouvert ses portes au grand public. Côté professionnels, sommeliers, importateurs et grossistes, venus de plusieurs pays ont pu déguster auprès des 600 exposants présents des Beaumes-De-Venise, Chusclan, Gadagne, AOC Ventoux… et naturellement des Côtes-du-Rhône qui représentaient en 2021 49% des volumes en appellation d’origine contrôlée (AOC).
L’occasion aussi de (re)découvrir la Clairette de Belgrade, qualifiée par Denis Guthmuller, président du syndicat général des vignerons des Côtes du Rhône et vice-président d’Inter-Rhône, de « championne du monde des labels bio sur nos appellations ». À ce titre, il note la progression de la part des vins comportant un label environnemental, avec « 12% en volume et 13% en surface de la récolte 2021 ».
Belgique, Royaume-Unis et États-Unis, le trio de tête
Un levier supplémentaire pour renforcer l’attractivité des vins de la vallée du Rhône qui jouissent déjà d’une solide réputation, notamment à l’international. Dans ces temps de crises et malgré la mise en place de nouvelles réglementations, c’est principalement à l’export que les meilleures performances ont été réalisées avec une croissance à deux chiffres « de l’ordre de 12 % sur l’ensemble des marchés », précise Philippe Pellaton.
Trois pays trustent cette croissance : la Belgique, le Royaume-Uni et les États-Unis. En Belgique, le consommateur a confirmé son attachement à la région en consommant davantage (19 % des volumes exportés) notamment les vins blancs rhodaniens. Aux États-Unis, la levée de la « taxe Trump » sur les vins avec le changement de président a permis une nette reprise, tandis que le marché chinois se rouvre également. « On a globalement une performance retrouvée sur ces marchés. C’est important pour nous. Ça pèse 37 % des volumes, ce n’est pas neutre », insiste le président d’Inter-Rhône.
En France, « la réouverture des restaurants, la capacité à organiser de nouveau des événements festifs et la convivialité retrouvée donnent un coup d’impulsion et on retrouve des flux commerciaux importants ».
Vers une mutation de la filière viticole pour rester au goût du jour
Dans un climat international incertain, impactant le pouvoir d’achat et une hausse du coût des matières premières (intrants…), tout l’enjeu est de maintenir le cap, tout en renforçant la stratégie sur le grand export.
Pour gagner des parts de marché, en 2022, Inter-Rhône mise sur une diversification de la filière sur différents axes. Même si le vin reste l’un des composants des moments de convivialité, au restaurant ou en famille, « la capacité d’absorption de ces hausses de prix reste un vrai sujet, craint Samuel Montgermont, président de l’Union des maisons de vins du Rhône (UMVR). Quel va être le réflexe de nos consommateurs ? Sur quels produits vont-ils arbitrer ? ». C’est là, entre autres, que l’organisme interprofessionnel entend se démarquer en jouant la carte sociétale avec des vins toujours plus responsables.
Une manière de s’adapter à de nouveaux profils de consommateurs, comme les « vegans » « extrêmement exigeants sur les labels environnementaux jusqu’aux vins sans sulfite », relève Samuel Montgermont. « Même quand on fait société à table, il y a différents types de régimes alimentaires et on doit avoir une capacité à les introduire dans nos propositions. La force des vins de la vallée du Rhône, c’est de démontrer que nous avons une réponse ». La labellisation RSE, attendue pour juin 2022, constituera également une étape importante pour Inter-Rhône.
Une bonne résistance du marché bio
Aujourd’hui, sur les plus de 2000 structures de production (caves, coopératives ou caves particulières), plus de 37 % sont labellisées en bio, biodynamie ou en HVE (haute valeur environnementale) et plus de 3000 producteurs commercialisent leur vin au négoce sous un label (contre 123 en 2011). Ce qui fait de la vallée du Rhône la région AOP la plus vendue en bio, avec 26,7 % des parts de marché en volume.
D’un vin rouge plus tendance aux atouts séductions du blanc
Au-delà des pratiques vertueuses, la diversification sur les items de couleurs représente aussi une clé d’entrée majeure pour toucher une nouvelle cible, en proposant des gammes plus larges. « La mentalité des consommateurs a changé », analyse Denis Guthmuller, qui constate une « rupture dans la connaissance des appellations », avec une disparition des consommateurs « sensibilisés et connaisseurs ».
Pour séduire toute une génération qui a grandi avec des sodas et préférant trinquer avec une bière – plus encore artisanale – l’idée est d’innover d’abord en « désacralisant la certification », puis en proposant par exemple « un vin rouge plus rond que l’on pourra servir frais, car la fraîcheur reste un axe de consommation fort pour embarquer cette clientèle, tout en les amenant dans l’univers du vin ».
Si les vins rouges de la vallée du Rhône sont clairement plébiscités, et que les grands crus ont une place incontestable avec « une histoire à raconter », Inter-Rhône a impulsé un travail sur les items de couleurs « particulièrement important, souligne Philippe Pellaton. La part du blanc en France et à l’international est beaucoup plus importante que ce que nous sommes en capacité de proposer ». Pour ne pas rester sourde à ce marché, la stratégie de l’interprofession consiste en « une réorientation des productions avec une augmentation de la part du blanc et une montée en puissance claire et organisée ». Les Vignobles de la Vallée du Rhône affichent aussi des atouts et des marges d’évolution intéressantes sur les vins rosés.
Faire vivre de nouvelles expériences grâce à l’œnotourisme
Pour réussir cette opération séduction, « l’œnotourisme, fondamental dans la région, a un rôle important à jouer, poursuit Philippe Pellaton. Nous avons une proximité à recréer avec ce public que nous avons perdu au fils des générations. Il faut faire en sorte que les gens viennent pour autre chose que le vin, les paysages, notre convivialité… et leur faire vivre des expériences ».
Si ce n’est les convaincre, c’est une façon de les mettre dans un environnement plus propice. « C’est plus long, plus fastidieux, mais c’est vraiment à ce prix-là que l’on arrivera à communiquer sur ce que nous sommes. Les vins de la vallée du Rhône ont un impact positif sur la région. Si nos vins n’étaient pas des appellations d’origine contrôlée, le niveau moyen de la vallée du Rhône serait certainement différent parce que la valeur de ces vins en termes de patrimoine, de paysages, de valeur foncière et valeur immatérielle est tout à fait pertinente et performante ».