L’entreprise d’épices de Gémenos Cepasco s’est associée avec l’hôpital de la Conception à Marseille pour élaborer un kit de rééducation de l’odorat destiné aux patients du Covid atteints d’anosmie. Les bénéfices sont reversés au fonds de dotation de l’AP-HM.
C’était un comble pour ces deux employées d’une des plus grandes entreprises de production d’épices de France : perdre l’odorat après avoir été infectées par le Covid-19. Car à Gémenos, Cepasco traite plus de 200 épices du monde entier, et stimule le nez des salariés qui naviguent toute la journée entre des cargaisons de curry, de thym, de safran, d’origan…
« Mon médecin m’avait conseillé de sentir des épices pour rééduquer mon odorat », raconte Ludivine Hubert, directrice des ressources humaines. Pas de problème pour elle, ni pour sa collègue du marketing, Delphine Grégoire, également atteinte. Mais vite, elles se disent qu’il y a quelque chose à faire si ces produits alimentaires peuvent devenir thérapeutiques.
Après avoir contacté le service ORL et chirurgie cervico-faciale dirigé par Justin Michel à l’hôpital de la Conception de Marseille, elles sont mises en contact avec Emmanuelle Albert. L’orthophoniste de l’Assistance publique des Hôpitaux de Marseille (AP-HM) travaillait déjà sur la « rééducation olfactive des cas covid » alors que son service a accompagné « 300 patients en 2021, atteints de troubles de l’odorat ».
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Réactiver la mémoire olfactive
Après des mois de travail avec l’entreprise d’épices, le kit (Re)sentir a été officiellement lancé ce vendredi 8 avril pour aider les personnes infectées par le coronavirus à retrouver le goût et l’odorat, des sensations très liées.
Dans la box, on retrouve avant tout des épices, soigneusement sélectionnées. Thym, fenouil, curry… et même de la vanille dont l’odeur « est une madeleine de Proust pour beaucoup », rappelle l’orthophoniste. Car pour elle, il est très important de réactiver la mémoire olfactive avec des stimuli agréables. « Un hédonisme positif et émotionnel » pour lequel les épices sont parfaites.
« Contrairement aux arômes artificiels ou huiles essentielles qui peuvent provoquer des aversions », poursuit Emmanuelle Albert. Ou même entrainer mauvaise rééducation des circuits sensoriels et mnésiques pouvant provoquer des confusions de goût et d’odeur. « On peut récupérer facilement le seuil olfactif, mais avoir des problèmes de décryptage ».
Un des enjeux est de régénérer les neurones olfactifs détruits. « La neurogenèse peut prendre deux ans ». Mais la rééducation permet souvent de recouvrer ses sensations en trois mois. C’est ce travail que propose le kit, grâce à des exercices quotidiens, des fiches de suivi, et des aides mnémotechniques pour réinterpréter correctement les odeurs.
Les ventes profitent à la recherche en santé
La pandémie de Covid, avec les symptômes d’agueusie (perte de goût) et d’anosmie (perte de l’odorat), a permis de rappeler l’importance de ces fonctions, comme le rappelle l’orthophoniste. « Et même pour les mauvaises odeurs, que les patients se plaignent de ne plus ressentir. Car ce sont des signaux d’alerte importants pour repérer une fuite de gaz, une casserole qui brûle, ou son enfant que l’on doit changer… »
Le coffret commercialisé par Cepasco à 29,90 euros sur internet « est un projet à part, qui ne représente vraiment pas grand chose à notre échelle et ne vise pas à faire de bénéfices », insiste Delphine Grégoire pour Cepasco.
Les gains seront reversés à Phocéo, le fonds de dotation de l’AP-HM, créé durant la crise sanitaire « lorsqu’on recevait d’innombrables propositions de dons d’entreprise et de particuliers », rappelle la déléguée générale du fonds, Virginie Negri.
Un million d’euros ont déjà été collectés pour améliorer les conditions d’accueil des patients et soutenir la recherche et l’innovation des équipes. Les ventes du kit (Re)sentir pourraient faire grimper ce chiffre, même si l’argent n’a pas d’odeur.