De la Coupe du monde 98 à l’Olympique de Marseille, Nathalie Nénon-Zimmermann est depuis quelques mois directrice générale adjointe, chargée du marketing et des revenus du club marseillais. Pour Made in Marseille, elle revient sur son parcours, sa vie et sur l’un de ses projets phares : hisser l’équipe féminine de l’OM en D1.
« Je suis une femme d’abord et je le revendique ». Releveuse de défis, agitatrice d’idées, disrupteuse, investisseuse, leader, mentor… Nathalie Nénon-Zimmermann se qualifie volontiers de femme aux multiples facettes. Depuis l’été dernier, elle occupe la fonction de directrice générale adjointe, chargée du marketing et des revenus de l’Olympique de Marseille. Elle qui rêvait de vivre dans la cité phocéenne depuis très longtemps a embrassé « ce défi d’un coup. J’ai pris un logement à Marseille. J’ai fait déménager mon fils de 16 ans. Je ne suis pas venue à l’essai. Je suis venue », dit-elle, droit au but.
Lorsqu’elle est « chassée » pour ce poste, comme on dit dans le jargon des recruteurs, Nathalie comptait raccrocher. « J’avais décidé d’arrêter le marketing sportif pour me lancer dans la création d’une école de plomberie et d’électricité ». Profondément attachée aux valeurs de transmission, elle souhaitait mener ce projet, « car en France, nous avons un problème sur la valorisation des métiers manuels ».
Mais l’OM, quand même, ce n’est pas rien. « Pour moi, c’est vraiment un club qui représente le foot au sens noble du mot populaire en France, qui a un rayonnement extraordinaire, une relation particulière avec la ville ».
Si elle admet avoir passé les entretiens avec sérieux, elle avoue aussi ne jamais s’être sentie candidate, jusqu’à sa rencontre avec Pablo Longoria. Ses mots. Son projet articulé autour du foot, des fans, de la cité. « Je me suis dit : oui, j’ai vraiment envie de faire équipe avec Pablo Longoria ».
Pour moi, c’est vraiment un club qui représente le foot au sens noble du mot populaire en France, qui a un rayonnement extraordinaire, une relation particulière avec la ville.Nathalie Nénon-Zimmermann
Partager et porter la vision du président. « Je considère qu’avec mon parcours, mes capacités, je peux délivrer cette vision. J’ai cette occasion extraordinaire de pouvoir apporter mes compétences pour booster les revenus de ce club tout en ayant un impact positif sur la société », assure celle qui n’a pas hésité à quitter son dernier poste en Angleterre « parce qu’on me demandait de faire des choses contraires à mes valeurs pour des intérêts de rentabilité qui allaient trop loin ».
C’est la première fois qu’elle travaille en tant que salariée pour un club de foot. « Et quel club ! », sourit-elle, depuis l’un des bureaux du centre d’entrainement Robert-Louis Dreyfus. Et pourtant, il y a quelques années, elle le dit sans s’en cacher, le foot, elle n’y connaissait rien.
Le tournant de la Coupe du monde 1998
Elle est tombée dans le milieu du ballon rond en 1994, alors qu’elle est sur Mars, chef de produit sur les barres chocolatées Twix et Balisto. Lorsque son directeur marketing de l’époque passe directeur marketing et sponsoring de la Coupe du monde France 98. « C’est un tournant », raconte-t-elle. Nathalie rejoint son équipe dossard N°13 le 1er mai 1994. C’est l’époque de l’affaire OM-VA « comme quoi il y a des choses circulaires dans la vie », remarque-t-elle avec le sourire.
Le comité d’organisation se crée autour de Michel Platini, Fernand Sastre, Jacques Lambert… et Nathalie emmagasine un grand nombre d’ouvrages. « J’ai lu plein de livres de sociologie du football, sur la création du football chez les Aztèques, chez les Incas, sur son arrivée en Europe, parce que je pense qu’on ne peut pas comprendre un sport si on ne comprend pas ses racines. J’ai fait la même chose en athlétisme, sur le rugby, le tennis… Je pense qu’essayer de comprendre le plus simplement possible permet de reformuler ensuite quelque chose qui apporte vraiment ».
Comprendre. Son leitmotiv. Sa marque de fabrique même, associée à ce regard critique au sens anglo-saxon du terme. « C‘est-à-dire que je pose beaucoup de questions », explique Nathalie, qui dans cette démarche tait parfois son identité.
La création des emblèmes, des logos, de la mascotte « Footix », remporte un vrai succès commercial à travers le monde, développée selon des méthodes de marketing business. Outre la victoire de la France, face au Brésil 3-0 et la rencontre avec celui qui deviendra son mari et le père de ses enfants, Nathalie et son équipe innovent en inventant les nouvelles bases du sponsoring sportif. Celles qui font encore référence en France aujourd’hui.
« Le marketing sportif c’est magique »
La course vers le succès ne s’arrête pas là. L’adolescente de 14 ans, qui remporte le Championnat de France par équipe d’athlétisme, se retrouve des années plus tard, en charge du financement du Championnat du monde d’athlétisme en France, en 2003. La première fois qu’elle s’occupe de « la billetterie en propre ».
Les doutes se font sentir, mais « le marketing sportif c’est magique, parce que vous voyez concrètement les résultats », avoue Nathalie, stimulée par cette adrénaline. « Quand vous voyez un stade rempli de spectateurs qui ont payé alors que ça n’a été fait nulle part ailleurs avant vous, vous vous dites, « on a bien bossé ». » Résultat : 80 000 places pendant les dix jours de compétition, « alors qu’on nous avait dit que c’était impossible ». Autant dire que pour Nathalie, rien n’est mission impossible. C’est plutôt « son carburateur ».
Cette ancienne passionnée de Grands prix de Formule 1 au temps des belles années Prost, « au grand dam de mes parents », et qui se levait en pleine nuit pour suivre les épreuves des Jeux olympiques, été comme hiver, a toujours abordé le marketing sportif comme une activité business. Sa carrière la mène à faire des aller-retour entre des mondes plus « corporate » et le milieu sportif.
Elle met à plat la stratégie de revenus des 24 heures du Mans, d’un grand nombre d’organisations sportives, gère le financement de grands événements… et débarque avec un CV en béton à Londres. Un véritable ovni aux yeux des Anglo-saxons, se souvient-elle, avouant même ressentir à l’époque une forme d’exclusion « parce qu’ils considèrent que ce sont eux les rois du marketing sportif, mais il y a de très bons Français et des Françaises dans ce domaine », insiste-t-elle.
La force de l’éducation
Être une femme dans un monde de testostérones. Pas toujours facile, mais Nathalie semble avoir été armée dès son enfance pour y faire face. Originaire des Ardennes, aînée d’une fratrie de trois enfants, cette fille d’un couple de professeurs prend très vite conscience des possibilités qu’offrent l’indépendance financière et l’autonomie de manière générale, grâce à son éducation.
Son père lui apprend à conceptualiser, structurer sa pensée pour être capable de porter des sujets avec assurance. « Quand j’étais petite, il m’a toujours encouragée à faire des exposés ». Pas d’internet à l’époque. Les grandes feuilles de papier sur lesquelles elle colle des images découpées dans des livres font l’affaire.
C’est important d’aider et d’accompagner avec bienveillance, notamment des femmes, car elles ont parfois du mal à crever le plafond de verreNathalie Nénon-Zimmermann
Elle prend goût à cet exercice qui, au fil du temps, lui confère « une force énorme. Dans mes fonctions où je suis souvent la seule femme autour de la table, ça me permet d’avoir cette présence et cette confiance en moi pour défendre des idées », poursuit Nathalie, qui croit beaucoup en la notion de rôle modèle. « Il y a beaucoup de choses qui passent par la transmission. Ça fait vraiment partie des choses qui me tiennent à cœur », et qui ont débuté lorsqu’elle était directrice générale chez Kantar à Londres.
« L’important dans la vie, c’est d’oser »
D’ailleurs, avec une casquette plus discrète, avec humilité, elle accompagne de manière bénévole des femmes entrepreneures dans leur parcours professionnel. « Qu’est-ce qui est le plus rare et précieux aujourd’hui ? C’est le temps et l’attention que l’on peut donner ? C’est important d’aider et d’accompagner avec bienveillance, notamment des femmes, car elles ont parfois du mal à crever le plafond de verre, afin qu’elles puissent avoir confiance et donner le meilleur d’elles-mêmes ». Elle-même a été mentorée à son retour dans la capitale, après onze ans passés de l’autre côté de la Manche.
Il y a beaucoup de choses qui passent par la transmission. Ça fait vraiment partie des choses qui me tiennent à cœurNathalie Nénon-Zimmermann
Reconnectée au tissu économique français, elle s’investit chez Paris Initiative Entreprise (PIE) émanation de France Initiative, parce qu’elle part du principe « qu’il faut donner aux gens les moyens de se développer ! Pour moi la solidarité c’est ça, ce n’est pas faire à la place des gens. Le dicton chinois qui dit : « apprends à pêcher plutôt que de donner le poisson ». Je suis dans cette logique », poursuit la directrice générale adjointe de l’OM. « Je crois que l’important dans la vie, c’est d’oser, c’est d’essayer. Forcément, on peut se tromper, tomber, mais il faut se dire que ce n’est pas grave et se relever ».
Carrière professionnelle et vie personnelle, l’équilibre essentiel
À la tête d’une équipe d’une soixantaine de personnes à l’Olympique de Marseille, cette « cheffe de meute », joue collectif. « Il faut emmener les gens derrière soi, sinon il ne se passe rien. On ne peut pas avoir raison contre tous. Ça ne sert à rien. Je donne la direction. C’est aux équipes de réaliser et je suis là pour aider, puis faire rêver plus grand, plus loin ».
Consciente qu’elle ne pourrait pas tenir ce poste de la même manière si ses trois enfants étaient en bas âge, elle n’a pourtant jamais voulu choisir entre carrière professionnelle et vie personnelle. « Ça n’a pas toujours été facile, mais ça fait partie de mon équilibre et des choses qui me sont importantes » exprime-t-elle, avec ses deux téléphones posés sur la table. Le pro et le perso, pour les urgences familiales. Indispensable.
Un équilibre essentiel comme une manière aussi pour elle de témoigner « qu’on peut être femme, et avoir une vie multiple, qu’on n’est pas assigné, à son genre, à son rôle d’épouse, de mère, de salariée, ou d’entrepreneure. Il y a plusieurs étapes dans une vie ».
« Toutes les révolutions commencent par une Marseillaise »
Dans cette nouvelle vie marseillaise, un projet lui tient particulièrement à cœur. Faire briller l’équipe féminine. « Nous sommes la seule grande ville d’Europe à ne pas avoir d’équipe féminine en première division. On se doit, dans le cadre du projet, porté par le président, de l’emmener au même niveau d’élite que l’équipe masculine parce qu’on est l’Olympique de Marseille ».
Pour relever ce pari, cette grande adepte de la visualisation positive, s’est emparée de la manière de financer ce projet. « Quand on fait monter une équipe, il y a des coûts associés ». Loin du sponsoring classique, elle entend fédérer entre 10 et 20 entreprises du territoire pour accompagner le club pendant 5 ans et « permettre à cette équipe féminine de jouer dans les meilleurs niveaux de la D1 pour pouvoir jouer en Champion‘s League comme les garçons tous les ans », ambitionne-t-elle.
« C’est un beau projet. Il fait sens. Si on travaille sur le fond, ça va avoir un impact. On va utiliser cette équipe féminine comme un catalyseur de la diversité, de la mixité et de l’inclusion. On va pouvoir travailler sur le sourcing, sur le rôle modèle, sur l’émancipation, l’empowerment… mais aussi sur l’ancrage territorial, car ce sont ces entreprises qui vont leur permettre d’atteindre ce sommet ». Le troisième élément pour faire rayonner les footballeuses, c’est la fierté marseillaise. Forcément. Poussée par le slogan : « toutes les révolutions commencent par une Marseillaise ».