L’opération de rénovation urbaine du quartier d’Air Bel va entraîner d’importants bouleversements dans la vie quotidienne des habitants. Près de 300 familles vont devoir quitter leur domicile. Pour garantir les meilleures conditions de relogement, sans augmentation de loyer ni de charges, un grand nombre d’associations se mobilisent pour alerter les pouvoirs publics et les bailleurs sociaux, et obtenir des engagements concrets.
Cela fait des jours que les membres des associations de locataires font du porte-à-porte, de l’affichage, du « boîtage » pour prévenir de l’organisation d’une grande réunion publique ce samedi 29 janvier, à 14 heures, au 36 rue de la Pinède à Air Bel.
Ce quartier du 11e arrondissement de Marseille construit en 1972, est le premier à faire l’objet d’une importante opération de rénovation urbaine, avant d’autres, prévues dans la cité phocéenne. Il fait partie des 14 quartiers prioritaires du Nouveau Programme national de renouvellement urbain (NPNRU). Un projet évalué à 77 millions d’euros.
Ce vaste chantier est attendu depuis de nombreuses années mais reste source d’inquiétudes. « C’est une cité qui a été laissée à l’abandon, avec des équipements datant des années 70. Elle a déjà payé un lourd tribut (légionellose, punaises de lit, insalubrité…). Il était temps de redonner un coup de neuf au quartier, mais dans quelles conditions ? », exprime Rania Aougaci, coordinatrice et médiatrice de l’Amicale des locataires d’Air Bel.
209 logements doivent être démolis
6 000 habitants (soit l’équivalent de la population de Gémenos ou la Penne-sur-Huveaune) vont voir leur quotidien bousculé. D’autres, leur vie bouleversée, car près de 300 familles seront dans l’obligation de quitter leur domicile, « alors que certaines sont là depuis 30 ans, voire plus, et qu’elles n’ont rien demandé. Ce sont des gens à qui l’on a fait des promesses durant des années et qu’on a menés en bateau. Donc aujourd’hui, c’est très compliqué de les rassurer sur ce qu’il va se passer », poursuit Rania, qui vit à Air Bel depuis 2006.
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Dans le cadre du réaménagement de ce quartier de 21 hectares, 853 logements vont être réhabilités, plus de 60 restructurés et 20 logements locatifs devraient voir le jour.
209 logements doivent être démolis, soit 17 % du parc, pour notamment recréer des espaces de circulation adaptés, des cheminements piétons et des équipements publics, à l’image de la Maison pour tous qui abritera, entre autres, le centre social, un gymnase, le groupe scolaire…
D’autres démolitions, plus limitées, pourraient être envisagées afin de permettre la création d’îlots résidentiels adaptés aux usages des habitants et améliorer le stationnement.
« Hors de question de remettre les familles dans une cité-dortoir »
Pour Rania, « il est hors de question de jouer au jeu des chaises musicales et de remettre les familles dans une cité-dortoir ». Au contraire, ce PRU « doit permettre à ces 300 familles de sortir du trou » et « de ce cercle infernal de ‘je suis né, je vis et je crève dans une cité’, ça suffit ».
Au cours de ces derniers mois, l’Amicale des locataires d’Air Bel et l’association Il fait bon vivre dans ma cité ont rédigé une Charte du relogement pour préserver les droits des habitants et garantir l’obtention pour chaque famille du « meilleur relogement possible en termes de quartier, de nombre de pièces, de contrat d’énergie… ». Car pas question non plus pour les associations d’assister à une augmentation de loyer et des charges.
Elles craignent que certaines familles au loyer très modeste en raison de leur ancienneté et en incapacité d’assurer une différence plus ou moins conséquente ne soient orientées vers une autre cité marseillaise.
Des paroles aux actes
Les bailleurs sociaux (Erilia, Logirem et Unicil) disent « avoir entendu les propositions autour de la question des loyers » et travailler sur les conditions de relogement dans le cadre de l’élaboration de cette Charte. « L’enjeu est de mettre en place avec les partenaires du projet un « reste à charge constant » (loyer + charges – APL) des ménages pour une même surface. La mobilisation de l’offre de logements est également un axe majeur de cette future Charte ».
Aujourd’hui, les représentants des locataires d’Air Bel attendent un engagement concret de la part des bailleurs sociaux, des institutions (la Ville, la Métropole) et de l’État. « Qui va payer l’écart ? C’est leur cuisine interne, estime Rania. Nous ne voulons pas que les personnes délogées perdent au change. L’histoire a montré que, souvent, ce sont les habitants qui payent les pots cassés. Il y a un passif qui nous rend méfiants. Il faut que ce soit acté et écrit. Les paroles s’envolent et les écrits restent ».
2022 sous le signe de la concertation
Afin de préparer les travaux de requalification globale et les premières étapes du relogement, les bailleurs sociaux assurent que l’année 2022 est placée sous le signe de la « concertation des associations et des locataires ». Par ailleurs, ils ont fait appel à une maîtrise d’œuvre urbaine et sociale inter-bailleurs (Mous) pour recenser les besoins, accompagner chaque ménage individuellement et assurer le suivi post-logement.
Réunions de présentation, ateliers… sont également prévus pour arriver à la validation du programme. Il sera ensuite formalisé par la signature d’un accord collectif au premier trimestre 2023. L’objectif est de débuter les travaux fin 2023. Entre 1 200 et 1 800 m² de locaux seront aménagés à compter du deuxième trimestre 2022 pour relocaliser les associations ou commerces dont les locaux sont voués à la démolition ou répondre à des besoins émergents (conciergerie).
Les associations, elles, espèrent que des efforts de communication et des moyens conséquents seront mis en œuvre sur l’ensemble du quartier pour permettre au plus grand nombre de participer aux discussions sur l’avenir du quartier et être au fait de la situation. « Je reconnais que la tâche est difficile parce que pour les faire descendre de chez eux et les faire s’intéresser, admet Rania, il faut mettre de l’énergie. J’en sais quelque chose ».
Une réunion publique pour informer les habitants de leurs droits
Lors de sa dernière visite à Marseille, la ministre déléguée à la Ville, Nadia Hai, avait indiqué son intention de revenir sous dix jours pour la signature de la convention Anru, entre l’État, la Métropole et la Ville, qui permettra au projet de renouvellement d’entrer pleinement dans sa phase opérationnelle.
En attendant, les associations à Air Bel et collectifs de lutte pour le logement à Marseille ont décidé de tenir une grande réunion publique pour faire un point sur la situation, mais surtout informer les habitants « de leurs droits, sur la manière d’accueillir les équipes dans le cadre des enquêtes de (re)logements, sur ce qu’ils sont en droit d’exiger ». Une manière également de montrer qu’en cas de blocage, la mobilisation citoyenne sera au rendez-vous. « Ce que l’on gagnera à Air Bel concernera tous les quartiers populaires et toutes les cités HLM de Marseille ».
À lire aussi
Associations et collectifs en soutien : Association « Il fait bon vivre dans ma cité », Amicale des locataires d’Air Bel, Syndicat des Quartiers Populaires de Marseille (SQPM), Collectif du 5 Novembre – Noailles en Colère (C5N), Association « Un Centre Ville Pour Tous », Collectif des Habitants Organisés du 3e – CHO3, Collectif Habitat et cadre de vie Frais Vallon, Quartiers Nords Quartiers Forts, Asso Locataires St Barthélémy 13014 ALCV, Noailles Debout !, Assemblée de la Plaine, Les Minots de Noailles, Approches Cultures & Territoires, Groupe de veille Busserine/ Picon/ Le Mail/ St Barthélémy, Mémoire en marche, Ligue des droits de l’Homme – Section de Marseille, Association APPUII, Solidaires Bouches du Rhône – 13, Sud Education 13, Association des Usagers de la PADA de Marseille, Intercollectif Punaises De Lit (PDL), Alternatiba Marseille, Réseau Education Sans Frontières 13, Réseau Hospitalité, Conseil National de la Nouvelle Résistance (CNNR), Primitivi, Coopérative Hôtel du Nord, Brouettes et compagnie, Association Marseille d’ici et d’ailleurs partageons l’avenir (MIAPA), Engagements Citoyens.