Jusqu’à la construction de son canal, la Provence souffrait d’un manque d’eau potable et de sécheresse. Il faudra attendre les années 1970 pour que l’ouvrage soit réalisé et que les pénuries cessent dans tous les départements de la région.
Une situation dont ont toutefois été exemptées Marseille et les communes alentours comme Allauch, Aubagne ou Plan-de-Cuques dès la moitié du 19e siècle, période à laquelle l’eau de la Durance est arrivée à Marseille grâce à son propre canal.
Découvrez l’histoire du Canal de Marseille
L’eau, une denrée pas si rare en Provence
La Provence n’est pas un territoire qui manque d’eau par nature. Le problème est que cette denrée vitale pour les populations est mal répartie dans le temps et dans l’espace. D’une part parce que les pluies tombent principalement en automne et au printemps, quand les besoins en eau sont les plus importants en été. D’autre part car le relief de la région détourne les cours d’eau alpin du littoral alors que les populations se concentrent essentiellement sur la côte méditerranéenne. À toutes les époques, les hommes ont alors œuvré pour détourner l’eau des bassins alpins vers le littoral et tirer ainsi le meilleur parti de la Durance et du Verdon.
Des dizaines de projets pendant 300 ans
Dès le milieu du 16e siècle, un projet de construction d’un Canal de Provence est imaginé par l’ingénieur Adam de Craponne. Son idée ? Amener une partie des eaux de la Provence jusqu’à Aix puis Marseille pour alimenter les villes en eau, arroser les terrains, construire des moulins à blé, transporter du bois et permettre la navigation. Le projet ne trouvera pas de suite et, pendant trois siècles, 14 autres projets de Canal de Provence ont été émis. Aucun n’a toutefois été mené à son terme, faute de moyens financiers principalement.
Pourtant, les besoins des Marseillais et des Aixois en eau n’ont cessé de croître à la même période. Tant est si bien que chacune des deux villes a décidé de construire son propre ouvrage. Le Canal de Marseille a ainsi été élaboré à partir de 1838 pour se terminer définitivement, alimentant ainsi les communes alentours de l’eau de la Durance, en 1869. Quant au Canal d’Aix, aujourd’hui désaffecté, il a été réalisé entre 1857 et 1875, amenant ainsi les eaux du Verdon dans la ville, dans la fontaine de la Rotonde édifiée spécialement pour l’occasion.
Les autres départements et même communes des Bouches-du-Rhône ont également construit leur propre canal pour s’approvisionner en eau, de la Durance ou du Verdon. Au début du 20e siècle, la quasi-totalité des eaux de la Basse Durance étaient ainsi mobilisées, entraînant des conflits entre les différents usagers.
Le projet de canal en arrêt pour des raisons législatives
Pour que chaque commune dispose de l’eau dont elle avait besoin, une loi est votée dès 1907 pour préciser les mesures à prendre pour une bonne répartition de l’eau. Elle sera suivie de la mise en place d’une « commission de prise d’eau de la Basse Provence », toujours d’actualité. Le 5 avril 1923, une loi fixe même les débits permanents affectés aux départements des Bouches-du-Rhône, du Var, du Vaucluse et à la ville de Marseille sur la rivière.
Ces différents territoires ont alors eu une idée afin de pouvoir se développer économiquement et démographiquement : mettre en commun leurs droits d’eau. Un projet envisageable seulement si, comme stipulé dans la loi de 1923, des réserves d’eau étaient réalisées au préalable. Il faudra attendre 1945 pour que les aménagements soient commencés, impulsés par EDF et le ministère de l’Agriculture qui ont souhaité utiliser la Durance et le Verdon pour leurs politiques énergétiques et agricoles. Le barrage de Serre-Ponçon sur la Durance et ceux de Sainte-Croix, Quinson et Gréoux sur le Verdon sont construits puis ceux de Castillon et de Chaudanne après la Seconde Guerre mondiale.
Avec les aménagements de ces réserves importantes, l’obstacle essentiel à la réalisation du Canal de Provence est franchi. Un canal qui se révélait indispensable pour le développement économique de toute la Provence.
Une réalisation issue d’un projet commun
Le 4 mars 1952, les départements des Bouches-du-Rhône et du Var approuvent le projet de Canal de Provence afin d’alimenter leurs territoires en eau du Verdon. Un projet auquel s’est greffée deux ans plus tard la Ville de Marseille, désireuse de disposer d’une ressource en eau complémentaire à son canal.
En 1955, les trois collectivités signent un pacte de solidarité qui prévoit la répartition des eaux entre elles, la constitution de réserves et le choix du maître d’ouvrage pour la réalisation des ouvrages. Un pacte qui donne naissance, en 1957, à la Société du Canal de Provence chargée de mener à bien le projet.
Les travaux se sont déroulés en trois phases entre 1964 et 1986. Le canal part ainsi de la prise de Boutre, situé sur la commune de Vinon-sur-Verdon (83). Il se sépare à Rians (83) pour former une branche qui dessert le Pays d’Aix puis le nord de Marseille et une autre qui dessert le Var et l’Est de Marseille. 111 communes sont ainsi desservies en eaux brutes et quelques-unes en eau potable, ce qui représente environ trois millions d’habitants. Les travaux ont coûté à l’époque 12 milliards de francs, soit environ 1,8 milliard d’euros, financés pour une moitié par des subventions et pour l’autre moitié par des emprunts par la Société du Canal de Provence.
Le Canal de Provence en chiffres
- 271 km de long pour les ouvrages principaux
dont 140 km en souterrain - 660 millions de m3 annuels de débit
- 82 barrages et réservoirs
- 6 microcentrales électriques
- 111 communes desservies
dont 80 000 hectares en eau d’irrigation (soit 11 terrains de football)
Le Vallon Dol, la réserve marseillaise
Si vous vous baladez dans le massif de l’Étoile, vous pouvez apercevoir un énorme bassin rempli d’eau, été comme hiver. Il s’agit tout simplement d’une des réserves en eau du Canal de Provence, le barrage-réservoir du Vallon Dol. La majeure partie de l’eau qu’il contient, au total plus de 3 millions de m3, est destinée à la sécurité de l’alimentation de la ville de Marseille et le reste à la régulation du Canal de Provence. En cas de problème, grâce à cet ouvrage, Marseille dispose d’une réserve en eau potable suffisante pour tenir pendant au moins une semaine.
Le Vallon Dol sur la carte
Par Agathe Perrier