Rencontre avec Philippe Langevin, l’un des experts de la métropole Aix-Marseille-Provence qui nous livre les clés pour tout comprendre sur cette nouvelle collectivité locale qui est en train de naître.
Dans son bureau de Président du Conseil Départemental de Concertation, Philippe Langevin également Maître de conférences en économie régionale à l’Université d’Aix-Marseille et auteur de l’ouvrage « Marseille, une métropole entre Europe et Méditerranée », fait un tour d’horizon à la fois optimiste et pragmatique sur l’avenir du territoire métropolitain. Il se laisse aussi aller à l’idée de rêver le territoire de demain entre fantasme et futur possible.
« La métropole réduira les inégalités et améliorera son image de marque afin de relancer la création d’emplois à court et long termes »
Avril 2015
Made in Marseille : Philippe Langevin, quels sont les grands objectifs de la métropole ?
Philippe Langevin : Développer l’économie et l’emploi sur un territoire de 92 communes, éclaté et inégalitaire où chacune des intercommunalités mène sa propre politique en concurrence avec les autres. Le morcellement administratif a considérablement freiné le développement économique de ce territoire. Il faut bien comprendre aujourd’hui que les communes ne correspondent plus à une réalité économique. On habite dans une ville, on travaille dans une autre et on passe notre vie dans les transports.
Comment développer l’économie et rendre notre territoire plus riche ?
En mutualisant les revenus des 92 communes, qui fonctionnent ensemble depuis des dizaines années mais sans partage. Par exemple, Aix est une ville plus riche que Marseille, ce n’est pas scandaleux qu’il y ait un transfert entre les deux. La métropole réinvestira cet argent dans les équipements publics sociaux, culturels, sportifs et de transports en priorité sur les secteurs qui en ont le plus besoin. Elle réduira les inégalités et améliorera son image de marque afin de relancer la création d’emplois à court et long termes.
Dans vingt ans, comment les transports auront évolué ?
Les neuf autorités organisatrices des transports auront fusionné en une seule structure avec un tarif unique pour les bus, cars, trains régionaux, métros et tramways. Le tout sera organisé en zones plus ou moins chères selon la distance parcourue, comme à Paris. La nouvelle gare Saint-Charles aura été inaugurée grâce aux 2,5 milliards d’euros du gouvernement. Le trafic des trains régionaux et internationaux sera beaucoup plus fréquent. Le centre de Marseille sera à dix minutes de train d’Aix-en-Provence et à quelques stations de métro des quartiers Nord.
Que fera la métropole pour l’environnement ?
La métropole prendra en charge la création des trames vertes et bleues (Ndlr : mesure phare de la loi sur le Grenelle de l’Environnement), continuités écologiques permettant de développer la biodiversité sur le territoire. Elle y associera des itinéraires cyclistes pour connecter les villes entre elles, et développera des services d’auto-partage et de covoiturage.
Et pour le social ?
Avec des moyens financiers renforcés et 500 millions d’euros accordés par l’Etat, la métropole pourra investir dans l’éducation, l’amélioration du cadre de vie, la rénovation urbaine ou le sport. Par exemple, recruter dix animateurs sportifs pour les quartiers Nord de Marseille, ça ne coûte pas grand-chose mais ça fait beaucoup.
Peut-on craindre une disparition des communes ?
Non. La ville est un échelon de proximité, c’est son rôle historique. Elle gardera ses compétences comme l’état civil, le mariage, la sécurité, les écoles maternelles et primaires, les piscines et stades communaux sauf exceptions. Le stade Vélodrome sera métropolitain. On ne peut pas le comparer à un stade de village ou de quartier, sa gestion non plus.
Que deviendra le département avec 93% de sa population dans la métropole ?
Il fusionnera la majorité de ses compétences avec la métropole d’ici une dizaine d’années voire moins, mais conservera un rôle social qui lui est conféré par la loi et pour lequel il est très compétent. A court terme, il ne pourra pas disparaître intégralement car la métropole ne recouvre pas toutes les Bouches du Rhône.
Comment évoluera le territoire de la métropole à long terme ?
Actuellement, le territoire regroupe 1,8 million habitants qui pratiquent les mêmes lieux d’habitat, de travail, de commerce et de loisirs. Mais dans une trentaine d’années, d’autres communes comme Saint-Maximin dans le Var qui fonctionne aujourd’hui très bien avec Aix et Aubagne, intégreront le territoire métropolitain. Il faut bien comprendre qu’un territoire n’est pas définitif.
Pouvez-vous décrire le territoire dans 50 ou 100 ans ?
Avec la création de sept pôles de compétitivité spécialisés autour des spécificités et des forces du territoire, comme les sciences de la vie à Luminy, l’aéronautique à Marignane ou l’économie verte au domaine de l’Arbois, la métropole deviendra attractive et bénéficiera d’une visibilité mondiale. Les transports, rapides et efficaces, seront présents sur tout le territoire. De son côté, le port de Marseille sera devenu l’escale incontournable en Méditerranée.
Pour rappel, le 1er janvier 2016, la nouvelle métropole Aix Marseille Provence verra le jour. C’est ce que prévoit la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, adoptée par l’Assemblée Nationale le 19 décembre 2013. La métropole rassemblera 92 communes réparties actuellement dans six intercommunalités différentes : la Communauté urbaine Marseille Provence Métropole, la Communauté d’agglomération du pays d’Aix, celle du pays de Martigues, celle du pays d’Aubagne et de l’Étoile, celle de l’Agglopole Provence et enfin le Syndicat d’agglomération nouvelle Ouest-Provence.
Les principales compétences de la métropole devraient être :
– le développement économique, social et culturel
– l’aménagement de l’espace métropolitain : urbanisme et transport
– la gestion de politique de l’habitat et de la ville
– la gestion des services publics comme l’eau, assainissement, incendie et secours, cimetière
– la gestion de l’environnement et du cadre de vie comme les déchets