Héritière d’un art séculaire, Crémone, ville chère à Antonio Stradivari, peut s’enorgueillir de s’inscrire comme la capitale mondiale de la lutherie. Aujourd’hui encore, on mange violon, on respire alto et on dort violoncelle ! Il fait bon passer un long week-end rythmé par ces notes de musique engendrant une atmosphère douce et agréable.

Tout l’été, Made in Marseille vous emmène en voyage avec sa nouvelle rubrique Évasion. L’occasion de découvrir des destinations proches ou lointaines, aux paysages et aux histoires à couper le souffle.

On le reconnaît sans ambages. Crémone ne figure pas en haut de la liste que l’on dresse, lorsque l’envie de s’offrir une virée en Italie se précise. Venise, Rome, Florence ou encore Milan tiendraient plutôt la corde. Seuls en fait les mélomanes songeraient à mettre le cap sur la cité lombarde, qui en plus de conserver son rang de numéro un au firmament de la lutherie internationale, a su valoriser son patrimoine tout en perpétuant une délicieuse ambiance provinciale.

Ici, on vit violon mais on vit aussi dolce vita. On se plaît à parcourir les ruelles piétonnes, on apprécie de s’attabler sur la place de la mairie pour prendre un café ou encore l’apéro avec la cathédrale pour décor… et on ne se lasse pas d’écouter les violonistes faire valser leurs archets. Sur les places, dans les cours, au théâtre et dans les musées, à l’occasion des nombreux concerts et festivals.

Il en est ainsi depuis le XVIe siècle. Grâce au savoir-faire de la famille Amati. Puis au talent de Guarneri et bien sûr d’Antonio Stradivari (dit Stradivarius en France) qui en fût son meilleur ambassadeur. « Il a fabriqué plus de 1000 instruments dans sa carrière dont 850 violons », explique le virtuose Fabrizio Von Arx, à la tête de la fondation qui a réhabilité la « Casa Stradivari ». « Et sa longue existence – il est décédé à 93 ans – lui a permis de travailler suffisamment longtemps pour atteindre la perfection ». Celle-là même qu’aujourd’hui les 152 luthiers de Crémone recherchent, que les apprentis venus de toute la planète s’inspirent lors de leur formation à l’école internationale de lutherie et in fine que les voyageurs souhaitent découvrir durant leur escale crémonèse.

Musée du Violon

Il est juste remarquable. Installé au Palais de l’Art construit en 1947 au style fasciste et inauguré en 2015, le Musée du Violon permet à travers une muséographie aussi créative que pertinente de découvrir cinq siècles de lutherie. La présentation de documents, objets et photos complétée par des bornes multimédia, composent un ensemble interactif qui invite à connaître le monde du violon et sa fabrication sous toutes ses coutures.

Dans la salle « L’écrin des trésors », on peut admirer les instruments les plus importants des maîtres classiques comme le fameux « ll Cremonese » (1715) signé par Stradivari et d’autres, tout aussi fameux, construits par les familles Amati et Guarneri. Enfin, histoire de vivre une expérience immersive, un détour par l’auditorium s’impose. Sachez que le week-end à 12h, un virtuose propose un mini-concert distillé avec un des violons du musée, sorti de l’une des vitrines par le conservateur lui-même, qui ne le quitte ensuite pas des yeux, avant de le redéposer une heure plus tard dans son écrin. Il est vrai qu’un tel violon vaut plus de 10 millions d’euros (www.museodelviolino.org).

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Au musée du violon, des performances proposés avec un violon historique sont à suivre chaque week-end © MdV

Casa Stradivari

C’est dans cette maison du 57 Corso Garibaldi qu’Antonio Stradivari s’installa avec sa nouvelle épouse en 1667. Elle abrita en parallèle son premier atelier où furent construits quelques-uns de ses plus célèbres instruments. Tombé dans l’oubli et occupé même par un magasin d’électroménager, le site a fait l’objet d’un vaste projet de restauration sous l’impulsion du virtuose Fabrizio Von Arx afin de redonner vie à ce lieu mythique.

Ouverte durant l’été, la « Casa Stradivari » accueille non seulement des étudiants lauréats d’une masterclass appelés à fabriquer des instruments selon les modèles de Stradivari, mais également le public pour une découverte ponctuée par une prestation de Fabrizio Von Arx en personne (www.casastradivari.org).

Musée Archéologique

Situé dans l’ancienne église de San Lorenzo, construite au Xe siècle, le musée abrite ce qui peut être considéré le cœur de Crémone. Dédiée à l’histoire romaine de la ville, qui a été la 1ère à être fondée au nord du Po, on ne peut qu’être fasciné par les vestiges retrouvés lors des différentes fouilles, à l’image des magnifiques mosaïques qui couvraient le sol d’une maison en 218 avant J-C ou encore des décorations murales ô combien colorées. Un luxe comparable aux habitations de Pompéi. Dynamique et remarquablement mis en scène, le parcours qui invite à plonger dans 2000 ans d’histoire se veut avant tout ludique, agrémenté de vitrines joliment agencées.

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Le Duomo impressionne pas ses dimensions et sa décoration.

Le trio Cathédrale-Clocher-Baptistère

L’ensemble est impressionnant. De par ses dimensions. De par son architecture et la richesse de sa décoration. Commençons par « il Duomo ». Si on se sent petit devant la façade, on reste sans voix lorsqu’on se retrouve au cœur de sa nef. Au-delà de ses 90 mètres de longueur, ses fresques qui illustrent les principaux épisodes de la vie de la Vierge et de Jésus sont sublimes. Tout à côté, le clocher décoré d’une grande horloge astronomique qui représente la voûte céleste s’impose, avec ses 112 mètres de hauteur, comme le plus haut d’Europe.

Du sommet – qu’on peut atteindre en gravissant 502 marches – on jouit d’un 360° sur la ville et la campagne du Po. Mais ce n’est pas tout. Tout au long de l’ascension, des salles aménagées permettent de découvrir des instruments liés à la mesure du temps. Enfin, le baptistère, construit sur une résurgence d’eau est révolutionnaire par sa forme. Octogonale – symbole du baptême – elle apporte une touche inédite au site qui fait face à la mairie (www.museoverticale.it)

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Du haut du clocher, c’est Crémone et la plaine du Pô qui se révèlent…

Fattorie Cremona

Il figure parmi les incontournables de la gastronomie italienne. Qui peut d’ailleurs imaginer déguster un plat de pâtes sans parmesan ? À la Fattorie Cremona, qui regroupe 77 producteurs de la région, on en fabrique 220 000 meules par an, soit la 4e plus grosse production du pays. Un parcours ludique permet de plonger dans ce délicieux univers – ainsi que celui du provolone – qui demeure quelque part artisanal avant de sacrifier au péché de la gourmandise.

On apprend ainsi qu’il faut 16 litres de lait pour produire 1 kilo de grana padana, qu’une forme pèse 40 kilo, qu’on la baigne dans de l’eau salée avant de la laisser se bonifier dans des caves aux allures de cathédrale. Et comme le vin, on laissera la meule – que l’on retourne régulièrement et scanne afin de détecter la moindre anomalie -, « vieillir » de 12 à 36 mois (www.fattoriecremona.it).

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220 000 meules de Grana Padana se bonifient dans les caves.

Rencontre avec Stefano Conia

La lutherie fait partie intégrante de ses gènes. Tout a commencé avec son grand-père, débarqué à Crémone pour suivre les cours de l’école internationale. Puis, son père Stefano a pris le relais avant que lui-même, Stefano également, ne perpétue la tradition. Un enfant de la balle en somme mais qui n’en a pas moins suivi la prestigieuse école où ses aïeux ont fait leurs gammes pour devenir un des plus brillants des 152 luthiers que compte la ville.

« La lutherie a toujours fait partie de ma vie, explique-t-il. Dès 5 ou 6 ans, on m’a mis le pied à l’étrier, dans cet atelier qui est aujourd’hui le plus ancien de la ville ». Et c’est quotidiennement qu’il façonne des morceaux d’épicéa et d’érable – les deux bois utilisés pour les violons – pour donner corps après 220 heures de travail à un instrument qu’un virtuose lui aura commandé. « Chaque luthier à sa spécialité et sa recette pour préparer le meilleur vernis. Moi, j’apprécie les sons profonds, expressifs et intimistes ».

Et les commandes affluent, de l’étranger of course, émises par des professionnels, des étudiants ou encore d’amateurs fortunés prêts à débourser quelque 11 000 euros (stefano@coniailgiovane.it).

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Stefano Conia perpétue la tradition crémonèse de lutherie.

Par Sandra Basso

Le carnet pratique

Côté transport
– Situé à une heure de Milan, Crémone est accessible en voiture depuis Marseille (environ 6 h) ou en train. Ryanair assure deux rotations par semaine Marseille-Provence – Milan-Bergame situé à une heure de Crémone

Côté hébergement
– Hôtel dell Arti. Cet établissement moderne, confortable à la déco design est idéalement situé au cœur de la vieille-ville (environ 160 € la nuit, www.dellearti.com)

Côté restauration
– Les adresses gourmandes sont nombreuses proposant les spécialités locales comme les ravioli à la courge, l’omelette aux fines herbes, les « polpette », les assiettes de charcuterie avec le « salame » local… Parmi elles, à noter le Duomo (www.hotelduomocremona.com), l’Osteria La Sosta (osterialasosta.it), l’Osteria 700 (www.osteria700.com) ou encore La Lucciola (Facebook), située quant à elle au bord du Pô.

Et aussi…
– ENIT, Office national italien de tourisme, www.italia.it
– Crémone tourisme, www.tourismocremona.it – Des visites guidées en français et différents pass pour la découverte des musées sont proposés par l’office de tourisme.

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