À Noailles, El Barrio Marsella est le premier restaurant-épicerie latino-américain du quartier. Bien accueilli depuis son ouverture le 1er mai, le chef colombien fait déguster son propre café et redonne des couleurs à la cuisine de rue.

Juan Pulgarin Sanchez s’empresse d’attraper son maillot de foot jaune vif, floqué n°10, pour prendre la pause devant les étals de son nouveau bébé : « la première épicerie latino-américaine de Marseille ». Le cuisinier a ouvert ce nouveau lieu le 1er mai, à la jonction des rues d’Aubagne et de Vacon, dans le quartier de Noailles (1er).

Le foot, en Amérique du Sud, c’est une religion. Autant que la street-food, « ce système D » dont il veut redorer le blason. À la carte, on trouve des tacos de thon, des empanadas végétariens ou au poulet (3,5 euros), un ceviche de la pêche du jour (11 euros) ou des Arepas (5,5 euros), galettes de maïs au fromage agrémentées de champignons rôtis. Des assiettes pleines de couleurs et abordables, comme le veut la cuisine de rue.

Le restaurant propose également, bien rangés sur les étagères, de la farine de maïs sourcée en Colombie et au Venezuela, du Mezcal (une sorte de Tequila) du Mexique, ou des piments du Pérou. « J’ai une passion pour les piments que j’ai découverts avec une cheffe indienne qui va ouvrir une grande bibliothèque de semence de piments en Inde », raconte Juan.

 

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Une intégration « naturelle » de l’épicerie dans le quartier

Des pots de petits piments rouge trônent sur des tables en rotin, placées pour délimiter la terrasse. Car il faut partager l’espace avec les habitants et les commerçants de la place. Et « composer » avec les vendeurs à la sauvette qui s’étaient largement installés devant la boutique de l’ancienne fleuriste, entraînant son départ à marche forcée.

Mais malgré quelques appréhensions, s’installer ici, « au carrefour de toutes les saveurs du monde », à côté des traiteurs chinois et tunisien, prenait tout son sens pour Juan. Le concept est d’ailleurs « naturellement » accueilli avec enthousiasme depuis son ouverture.

La preuve, ce mardi matin, alors que l’épicerie est fermée. Plusieurs habitants et commerçants du quartier passent boire un café. L’un est venu réparer les chaises formica sur la terrasse, alors qu’un autre dépose les tomates, citrons et herbes aromatiques nécessaires pour la cuisine du lendemain.

épicerie, El Barrio Marsella, premier restaurant-épicerie d’Amérique du Sud à Noailles, Made in Marseille
Juan devant son épicerie, s’appuyant sur les sacs de café.

Du café colombien torréfié à Marseille

Au départ, c’est surtout autour du café que Juan a lancé son affaire. Au milieu de la boutique, cinq gros sacs de cafés en vrac attendent d’être déballés. « Les grains arrivent vert et je les torréfie ensuite moi-même dans un petit atelier », précise le cuisinier.

Ce dernier découvre ce savoir-faire auprès du torréfacteur collaboratif The Beans of Fire à Paris, où il a vécu pendant 10 ans. Né en Colombie, dans le petit village montagneux Anserma (Caldas), Juan a suivi trois années de cours de français pendant le lycée. Il est ensuite parti faire ses gammes à l’école hôtelière de Paris, avant de travailler pour plusieurs maisons prestigieuses comme le Louis XIII.

Mais, à 30 ans, il remet tout en question, sans renier ses deux passions : le bon vin et le bon café. Il prend des billets d’avion pour quadriller son pays natal, se demandant en boucle : comment monter un projet pour générer un impact durable pour la Colombie ? À 1800 mètres d’altitude, devant des hectares de culture de café de son village, il percute enfin.

Alors, quand il rentre, il se plonge tout entier dans la marmite de ce breuvage noir. « J’ai découvert un monde complexe, où une dizaine de personnes touchent des commissions sans que le producteur soit bien rémunéré. Tous les jours, le prix du café arabica est donné à la bourse de New-York et le prix du robusta à Londres. Donc c’est un gars en costard cravate qui n’a jamais vu une plantation de sa vie qui fixe son prix… », explique-t-il, les yeux écarquillés.

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Juan discute avec un habitant du quartier sur sa terrasse.

« Tout est tombé en même temps »

Après quelques années à Paris donc, c’est Marseille qui va lui permettre de changer de vie. Après avoir écumé les restaurants, rencontré une grande communauté latino-américaine, le cuisinier se rend compte qu’il y a une place pour son projet.

Trouver le local a mis un peu de temps. Une fois son dévolu jeté sur la boutique de l’ancienne fleuriste, il a fallu compter un an et demi pour sa concrétisation : le prêt de la banque et les aides de Initiative Marseille Métropole. « Tout est tombé en même temps début 2024 », sourit-il.

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Le restaurant-épicerie a ouvert le 1er mai, le jour de la fête du travail. Et sa fille est née ce 8 mai. En 1945, ce jour marquait la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe. « C’est compliqué mais j’ai tout ce que je voulais. Il reste juste à assumer et s’organiser », lance Juan, en avalant une dernière gorgée de café.

El Barrio Marsella
14 A rue d’Aubagne (1er)
Du mercredi au dimanche
Ouvert de 8h30 à 19h

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