Si aujourd’hui les plages du Prado semblent avoir toujours fait partie du paysage marseillais, il suffit de regarder des photos rien que du début des années 1970 pour s’apercevoir que ce n’était pas le cas. Car ces bancs de petits graviers ont bel et bien été aménagés par l’homme, sous l’impulsion d’une célèbre personnalité politique de la ville.
Aujourd’hui lieux de baignades les plus fréquentés de Marseille pour leurs larges espaces de graviers et de pelouse, leurs restaurants, leurs boutiques, leurs buvettes et leurs autres commodités, les plages du Prado n’ont pas toujours été les plus appréciées de la ville dans le passé. Jusque dans les années 1960, elles n’étaient même que très peu fréquentées.
Il faut dire qu’à cette époque, ces plages ne donnaient guère envie de se baigner. D’une part, le banc de sable, bordé par la route juste au-dessus, s’étalait sur seulement 5 à 10 mètres de large. D’autre part, l’eau y était très polluée car l’Huveaune, fleuve qui traverse Marseille et qui se jette dans la Méditerranée au niveau du Prado, était devenu un égout à ciel ouvert. Ajouté à cela le Mistral et la houle très forts à cet endroit, le sable se retrouvait souvent envahi de déchets.
Donner à Marseille une plage digne de la ville
Dès 1965, le maire de Marseille, Gaston Defferre, souhaite aménager le Prado en une grande plage. Car malgré la position maritime de la ville en ce temps-là, elle ne disposait d’aucune plage équipée à son échelle ! Et pour le Maire, la zone du Prado était la seule pouvant offrir l’occasion de créer un aménagement de grande envergure n’ayant pas d’équivalent en France ni même à l’étranger.
L’ambition de Gaston Defferre est de taille et en 1968 la municipalité valide le projet. Il est alors convenu que les travaux porteraient sur une première tranche allant du Roucas-Blanc à l’Huveaune. La seule solution pour le réaliser consistait à agrandir un maximum le petit banc de sable qui existait alors en un terre-plein de 200 mètres de large. Et quand l’époque est marquée par la construction sur les littoraux français de marinas, à l’instar de celle de la Baies des Anges sur la Côte d’Azur, et la privatisation du bord de mer marseillais, le Maire, lui, choisit de créer un vaste espace libre et sans habitation.
S’en suit alors de nombreuses discussions quant à la question de que faire de cet espace. Des piscines et autres équipements sportifs sont affichés dans les brochures, mais finalement, le lieu est aménagé de façon élémentaire, laissant place à la nature avec des buttes de gazon rappelant des « pelouses normandes ». Certains ont pensé que cet aménagement si « simple » ne serait que provisoire mais face à l’engouement des Marseillais pour ce nouvel espace de vie, il a été décidé qu’il en resterait ainsi.
Création d’un nouveau quartier à part entière
La volonté de départ de la municipalité était de créer un nouveau quartier dans cette zone de Marseille. C’est pourquoi les modifications n’ont pas seulement concerné l’espace où se trouve le parc balnéaire du Prado. Les terrains situés de l’autre côté de l’actuelle promenade Georges Pompidou ont été achetés et les maisons qui s’y trouvaient démolies afin de construire de nouvelles habitations, des restaurants et des boutiques. Et pour que tous les Marseillais, plus ou moins aisés, puissent habiter les résidences de la plage, les logements sont à la fois sociaux et libres, c’est-à-dire mis à la vente ou à la location librement sur le marché.
Au fur et à mesure des années, face à la demande de nombreux usagers, des constructions en bois sont petit à petit installées sur les plages pour abriter les fonctions d’accueil, des sanitaires, des buvettes et des jeux pour les enfants.
Malgré les quelques critiques (gravier moins agréable que le sable, pas assez d’arbres ni d’ombre, stationnement insuffisant, manque de propreté parfois), toujours d’actualité aujourd’hui, les plages du Prado sont rapidement devenues les plus fréquentées de Marseille. Et si beaucoup pensaient au départ que l’espace ne serait fréquenté qu’en été, il s’est avéré être utilisé par Marseillais et touristes tout au long de l’année et même en hiver.
Une deuxième tranche sur le modèle de la première
Après l’aménagement de la tranche située au nord de l’Huveaune, soit la zone située au-dessus du célèbre David, la municipalité s’est attaquée à la partie sud du Prado dans les années 1980. Si certains projets ont vu le jour comme la réalisation de parkings, d’un pôle d’attraction avec restaurants et boutiques au rond-point de Bonneveine ou même un service de navettes avec le Vieux-Port, d’autres ne se sont jamais concrétisés.
Il était par exemple envisagé de mettre en place, sur la plage juste en face de l’hippodrome, un espace pour les véliplanchistes avec gradins, buvettes, point d’eau… Ou encore un parc aquatique couvert pour être utilisé aussi en hiver avec toboggans vertigineux, cascades, piscines à vagues et rivières à bouées du côté de Bonneveine.
Finalement, comme pour la première tranche, l’aménagement de ce côté des plages du Prado est resté à la fois simple et fonctionnel. Et pour la petite anecdote, la réalisation des deux tranches du parc balnéaire du Prado a été en partie possible grâce à des remblais provenant des travaux du métro marseillais !
Par Agathe Perrier