L’école Bricabracs est un projet éducatif et social à part, au cœur des quartiers nord. Depuis bientôt 3 ans, elle tente de proposer une éducation alternative et ouverte à tous. Un pari difficile. Made in Marseille est retourné en classe pour vous proposer une immersion dans cette école pas comme les autres. 

Nous sommes en plein cœur des quartiers nord, au pieds de la cité La Granière dans le 15e arrondissement de Marseille. Sur le terrain d’une paroisse protestante entourée de parcs et de potagers, siège une maison un peu vieillotte. L’école Bricabracs est peu reluisante à première vue, mais ses 19 écoliers ne sont pas à plaindre. Leur cour de récré géante, le jardin des Aures, est un éco-site avec jardins partagés, où les minots cultivent bio et élèvent des poules. Question équipements, la plupart proviennent de dons et ne sont pas de première main, pourtant les enfants ne manquent de rien. Ordinateurs, livres, tableaux, et même un vrai atelier de Bricolage.

Autonomie et liberté

Les petits de 4 à 10 ans arrivent au compte goutte. Erwan Redon, instit’ pas comme les autres, me sert un café. Il faut dire que la salle de classe principale est une cuisine. Alors que nous commençons à discuter, les élèves s’activent tout seuls. “Chacun a un programme individuel de travail qu’il s’est fait la veille, avec des leçons, des exercices, des activités, m’explique Erwan. Ils choisissent en arrivant dans quel ordre ils vont travailler. Moi je suis là pour les accompagner et aider quand ils ne comprennent pas.” Il commence donc une leçon de calcul avec Antonio et Jona dans la salle “bruyante”.

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Travail silencieux dans la « salle calme ». Flora va chercher les leçons dont elle a besoin dans le classeur.

Les élèves qui travaillent en autonomie sont dans la « salle calme”, où règnent discipline et silence. “On a le droit de chuchoter pour expliquer des choses aux autres”, m’explique Flora, en chuchotant donc. Ele s’est fixée des sujets d’études pour la matinée et pioche elle-même dans les classeurs ses leçons et d’exercices.

Si l’autodiscipline règne, c’est que les règles et l’organisation sont en grande partie décidées par les élèves. “Dans ces conditions, je peux vraiment me concentrer sur la pédagogie. C’est mission impossible avec la pression de l’évaluation dans l’Éducation nationale et dans des écoles insalubres et surchargées.” Erwan Redon a donc décidé de sortir du système éducatif d’État. Ici, le projet se limite à 20 élèves de tous âges et tous niveaux. 

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Décollage de fusée imminent ! Un cours de chimie comme un autre. Bicarbonate de soude et vinaigre produisent du gaz qui fait décoller une bouteille.

Pas de sectarisme, il s’inspire de tous les courants pédagogiques novateurs : “Freinet pour l’autonomie des enfants ou la rédaction d’un journal, Montessori pour la psychomotricité avec le bricolage, la construction de cabanes, les pratiques physiques très libres (dans cette école, les enfants ont le droit de grimper aux arbres, ndlr)”. D’autres courants plus récents influencent aussi le professeur, comme l’école du troisième type ou la pédagogie sociale.

Des élèves marginalisés ?

La dernière fois, une élève a raconté une blague dans laquelle un parachute était remplacé par un cartable. Un enfant n’a pas rit parce qu’il ne sait pas ce que c’est. Ils n’ont pas de cartables ici, ils ne ramènent rien à la maison, et encore moins des devoirs !” Erwan Redon rigole en racontant l’anecdote. Exemple le « plus grave », selon lui, de l’inadaptation de ses élèves. 

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Toto et Jona ont du mal à faire des maths au tableau. Ils apprennent les nombres dehors avec des chaises.

L’évaluation et les rythmes d’apprentissage sont très libres à Bricabracs, mais l’école prend en compte le socle commun des connaissances. Magali Braconnot fait partie du conseil de fonctionnement du projet, sa fille est en CM2. “Nous n’avons pas le recul suffisant pour savoir comment se débrouillent nos enfants de retour dans l’Éducation nationale. C’est la première année qu’un élève de Bricabracs entre au collège. Il était venu ici refaire son CM2 après un redoublement, et a réussi sans problème l’examen d’entrée en sixième.” En ce qui concerne sa fille, Magali ne se fait pas de soucis : “Elle est devenue très autonome dans l’apprentissage. Si elle ne connait pas certaines choses, elle les rattrapera très facilement. Et puis ils baignent ici dans un foisonnement de connaissances”.

« École publique hors État » : un pari difficile

Les fondateurs de Bricabracs prônent une école ouverte à tous, « publique mais hors État« . Dans ce sens, les frais de scolarité sont plafonnés à 30 € par mois. “Si la famille touche une allocation de rentrée scolaire ( environ 300 € ) , ils nous en donnent une partie ( 100 € ), explique Magali Braconnot, sinon, tout est fourni, ils n’ont rien à acheter.” Pas de sélection à l’entrée, mais juste une liste d’attente “longue, puisque pour des raisons pédagogiques, nous plafonnons le nombre d’élèves à 20” rappelle-t-elle.

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La cabane et le jardin potager « bio » des élèves de l’école Bricabracs

L’école n’est pas sous contrat avec l’Éducation nationale, il faut cinq ans d’existence pour faire la demande. Les salaires des deux professeurs-éducateurs ne sont donc pas pris en charge par l’État. Alors comment l’école s’en sort financièrement pour assurer son fonctionnement ? “Difficilement ! répond Magali. Pour le matériel et les fournitures, c’est débrouille et récup’. La paroisse nous loue le bâtiment un prix symbolique. On a une communauté qui nous finance avec un impôt volontaire. On gagne quelques sous en organisant des vide-greniers. Le plus dur c’est de sortir les deux salaires.

Une position difficilement tenable sur le long-terme. Si des aides publiques n’arrivent pas, l’école qui se veut ouverte, devra fermer…

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