Lancé depuis janvier 2015 à Marseille, le dispositif Tapaj, pour Travail alternatif payé à la journée, aide les jeunes de 18 à 25 ans habitant dans les quartiers difficiles et éloignés du monde du travail, à s’inscrire progressivement dans une démarche d’emploi. En s’adaptant au parcours et à l’histoire de chacun d’entre eux. Reportage.

Au Parc Bellevue à Saint-Mauront (3e), ils sont cinq jeunes, facilement reconnaissables avec leurs chasubles jaune fluo, à s’atteler à repeindre des pans de murs et à reboucher des « trous à rats ». Récemment, d’autres étaient du côté d’Arenc (2e) et du Canet (14e) pour nettoyer deux sites de la SNCF encombrés de déchets en tous genres. Chacun s’affaire à sa tâche et prend son travail au sérieux. Difficile, en les voyant s’activer ainsi, de se dire que ces jeunes sont en situation de rupture professionnelle.

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L’un des jeunes du programme Tapaj en train de repeindre un mur sur le chantier du Parc Bellevue © AP

Tous font en effet partie du programme d’insertion Tapaj qui a pour but de fournir un travail payé à la journée aux jeunes en difficulté dans le but de les rapprocher du monde de l’emploi. À Marseille, depuis le lancement du dispositif par l’association Groupe SOS, 200 jeunes ont ainsi été suivis au cours des différentes phases du programme. Car l’objectif de Tapaj est d’accompagner chaque jeune de façon progressive, en prenant en compte son histoire et son parcours.

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Le dispositif Tapaj (cliquez pour agrandir) © Travailler en Provence

D’un simple travail à un accompagnement personnalisé

Le programme Tapaj se compose de trois phases, qu’un jeune va « valider » au fur et à mesure :

  • Phase 1 : la prise de contact. Le jeune commence par travailler sur des chantiers de type « bas seuil d’exigence » d’une durée de 4h maximum par jour, encadré par un éducateur. « Puisque l’on est face à des jeunes qui n’ont plus l’habitude de travailler ou même d’avoir un chef, on leur laisse le choix d’arrêter le chantier au bout de deux heures s’ils en ont marre par exemple. Le but est d’y aller progressivement », explique Lionel Olivier, chef de projet Tapaj au sein du groupe SOS.
    Le chantier est payé 10€ de l’heure versés à la fin de la journée sous forme de chèque emploi service échangeable immédiatement en liquide à la poste et avec une fiche de salaire établie à la fin du mois. Le but est d’apporter aux jeunes une ressource conséquente chaque jour de travail et surtout légale.
  • Phase 2 : la prise en charge. Ici, les chantiers sont plus longs, comme par exemple trois jours consécutifs ou une semaine entière, toujours rémunérés à hauteur de 10€ de l’heure mais à la fin de la mission. En plus, le jeune bénéficie d’un accompagnement médico-social et administratif par un référent éducatif.
  • Phase 3 : l’accompagnement. « C’est le dernier escalier avant l’employabilité », précise Lionel Olivier. Le volume horaire travaillé est augmenté et le jeune peut expérimenter des chantiers plus autonomes. L’accompagnement porte ici aussi sur des projets d’insertion professionnelle comme des formations qualifiantes ou des contrats de droit commun.
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Le dispositif Tapaj propose aux jeunes des chantiers payés à la journée pour les rapprocher du monde de l’emploi © AP

Suivant le parcours d’un jeune, ce dernier peut entrer directement en phase 2 ou 3. Là encore, le dispositif vise à « s’adapter aux jeunes et non pas à ce qu’eux s’adaptent à nous », ajoute Lionel Olivier. Les chantiers consistent généralement en des travaux de peinture, maçonnerie ou entretien d’espace vert afin de « mettre les jeunes dans des conditions valorisantes ».

À Marseille, 3 600 heures de chantier vont ainsi être assurées par les jeunes du programme Tapaj cette année. Des chantiers fournis par des entreprises privées, comme par exemple la SNCF, mais majoritairement par le secteur public et plus précisément par la Politique de la Ville. Pour 2017, 3 000 heures seront ainsi financées par l’établissement public.

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Un dispositif qui a déjà fait ses preuves

Avant d’arriver en France, c’est au Québec que le programme Tapaj est né et a fait ses preuves. Il a été lancé en 2000 par l’organisation Spectre de Rue auprès des jeunes pratiquant le squeegeeing (nettoyage des pare-brise aux feux rouges par les jeunes en errance). Face à son succès, le programme est transféré à Bordeaux, en 2012, de façon expérimentale.

« À Bordeaux 45 % des jeunes ont pu trouver une sortie positive à l’issue du programme, ce qui correspond à un résultat très supérieur à de nombreux dispositifs d’insertion classiques malgré un public bénéficiaire très marginalisé », peut-on lire sur le site du gouvernement français.

Le dispositif est alors développé au national, toujours de façon expérimentale, dans 10 villes de France volontaires comme Paris, Nantes, Nice, Toulouse ou Marseille via la Mission Interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILD&CA) et la Fédération des Addictions.

À Marseille, 30% à 40% des 200 jeunes ayant intégré le dispositif depuis janvier 2015 ont entamé des démarches professionnelles (formation, intérim, CDD ou CDI). 20% à 30%, toujours sur les 200 jeunes, ont également accepté d’entrer dans des démarches médicales, majoritairement psychologiques, dentaires et « administrativo-médicales », comme par exemple disposer de son propre numéro de sécurité sociale afin de devenir de plus en plus autonome.

Par Agathe Perrier

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