Entretien long format avec Corinne Versini, référente départementale 13 du mouvement En Marche ! d’Emmanuel Macron, vainqueur hier soir du premier tour de l’élection présidentielle devant Marine Le Pen. 

Au lendemain de cette élection qui a divisé le pays, quelle sera la stratégie d’Emmanuel Macron ? Rassembler à gauche et à droite ou continuer à tracer son sillon ? Corinne Versini répond à nos questions.

Corinne Versini est une femme entrepreneuse, elle est PDG de la société high tech Genes’ink, notamment Lauréate d’Or prix Femme à l’International des « Femmes de l’économie Provence-Alpes-Côte d’Azur & Monaco » en 2016.

, Entretien – Corinne Versini, référente d’En Marche « Macron n’est pas un ultra libéral », Made in Marseille
Dans les coulisses du passage d’Emmanuel Macron dans les quartiers Nord aux côtés de Corinne Versini et Christophe Castaner © JZ

Made in Marseille : Bonjour Corinne Versini, que ressentez-vous au lendemain de cette victoire ?

Corinne Versini : On s’est déjà remis au travail, c’est hier soir qu’on a été vraiment submergé par l’euphorie. On a été extrêmement soulagé. Ca fait longtemps qu’on est parti en campagne. Il y a eu énormément de travail pour poser le diagnostic sur l’état du pays et élaborer notre projet. Donc forcément, on est très content de terminer premier du 1er tour de l’élection présidentielle.

Quand vous dites soulagé, vous voulez dire que vous ne vous y attendiez pas ? Les sondages vous annonçaient pourtant favoris. 

On ne le savait pas. Le score a d’ailleurs été très serré. On l’espérait bien sûr !

Etes-vous confiante pour le 2e tour qui vous donne gagnant à plus de 60% selon les sondages ?

Jusqu’à présent les sondages n’ont jamais été aussi peu fiables. Enfin sauf hier soir, mais pour les Primaires notamment. Moi, je préfère ne pas trop regarder les sondages et aller de l’avant. Là, nous sommes repartis au travail, on regarde ce qui a marché, ce qui n’a pas marché, vers là où on doit aller davantage…

« J’ai l’impression que surtout dans les Bouches du Rhône, on a un espèce d’écoeurement de la politique, donc on vote pour les rebelles, les insoumis. Bon, Marine Le Pen est tout sauf une insoumise ! Mais en revanche, Mélenchon s’est bien positionné comme ça. »

Marseille (mais aussi le département) n’a pas du tout plébiscité votre candidat, comment l’expliquez-vous ? Dans les Bouches du Rhône, Emmanuel Macron arrive en 4e position avec 19,37%.

On est quand même 3e à Marseille (Rires) ! J’ai l’impression que surtout dans les Bouches du Rhône, on a un espèce d’écoeurement de la politique, donc on vote pour les rebelles, les insoumis. Bon, Marine Le Pen est tout sauf une insoumise ! Mais en revanche, Mélenchon s’est bien positionné comme ça. Je l’analyse plus comme des votes de contestation. Par exemple, des jeunes m’ont dit « Je vote Mélenchon et après je voterai Macron« . Alors, je leur disais, méfiez-vous, si on fait comme cela, on risque de ne pas être au premier tour.

Quelle est la stratégie d’En Marche pour l’entre deux tours ? Continuer dans votre projet sans regarder les programmes autour ou rassembler, en faisant des concessions plutôt à gauche chez Hamon et Mélenchon ou à droite chez Fillon ? 

Il n’y a pas d’accord d’appareil ! Ca ne se passe plus comme ça ! On veut rassembler mais sans accord d’appareil… Je ne sais pas si vous avez vu, mais il y a eu une alliance avec le MoDem, et il n’y a pas eu de modification du programme d’Emmanuel Macron. Parce que François Bayrou a adopté les idées du programme ! Le programme vient de la base, vient de nous… Nous l’avons construit en allant rencontrer les citoyens.

Donc la ligne de conduite, c’est « Venez avec nous, mais suivez notre projet » ?

Bien sûr, on ne va pas changer de ligne du conduite. On a déjà un projet et si on ne fait pas comme ça, on va se retrouver encore avec les mêmes problématiques et se battre entre nous. On appelle à se rassembler toutes celles et ceux qui veulent transformer la France avec les deux gros piliers de notre avenir : l’éducation et le développement durable. Il y a la santé aussi, en tout, on a 6 grands chantiers.

« On a toujours voulu rassembler toute le monde, et ce n’est pas maintenant qu’on va se pervertir. On a bâti un programme qui tient la route et on ne changera pas. »

Oui, mais ça c’est ce qu’on dit avant le premier tour. Mais que dites-vous à ceux qui n’ont pas choisi votre projet, ceux qui ont voté Hamon, Mélenchon et Fillon. Comment les convaincre de vous donner des voix ?

Pas forcément. Je ne pense pas. On a toujours voulu rassembler toute le monde, et ce n’est pas maintenant qu’on va se pervertir. On a bâti un programme qui tient la route et on ne changera pas.

En 2015, Emmanuel Macron expliquait dans Le Monde que le « libéralisme est une valeur de gauche »… 

Je ne me souviens pas de cette phrase. Je devais être à l’étranger à ce moment là… A mon avis, c’est qu’il a lu Marx. Marx est quelqu’un qui intègre les entreprises au coeur de la société. Ca doit être cela qu’il a voulu dire. Mais c’est une opinion personnelle.

« Notre projet va beaucoup plus loin en matière de protection sociale que tout ce qui a été fait jusqu’à présent, tout en restant économiquement viable. Et c’est ça que certains n’arrivent pas à comprendre. »

Aujourd’hui, vous avez vu l’opération #Sansmoile7mai lancée par les « insoumis » inonde Twitter. En parallèle, Jean Luc Mélenchon refuse de se prononcer depuis l’annonce des résultats. Disons que toute cette gauche représentée par Jean Luc Mélenchon et à moindre mesure Benoit Hamon, ne se retrouve pas dans le projet d’Emmanuel Macron, qu’ils considèrent comme « ultra libéral ». Que répondez-vous à ce peuple de gauche ?

Déjà, Jean Luc Mélenchon, c’est son droit de ne pas s’exprimer et on le respecte. Ensuite, je leur réponds qu’ils n’ont pas lu le programme et qu’Emmanuel Macron n’est pas un ultra libéral. Que notre projet va beaucoup plus loin en matière de protection sociale que tout ce qui a été fait jusqu’à présent, tout en restant économiquement viable. Et c’est ça que certains n’arrivent pas à comprendre. Pour que le social soit pérenne, il faut que l’économie soit viable. Quand on dit qu’on veut rembourser à 100% tout ce qui est soins dentaires, lunettes, auditif, et pour tout le monde… Il est le seul à le proposer. Quand il dit qu’il veut supprimer la taxe d’habitation pour la majorité des Français, il est le seul à le proposer. Quand il veut supprimer les charges salariales, ce qui veut dire qu’on va augmenter tous les salaires net de tout le monde, il est le seul à le proposer. Comment peut-on être plus social ?

Ce qui fait peur, c’est surement aussi des mesures comme la suppression en partie de l’ISF ?

Mais, ce sont juste des mesures idéologiques ! Si vous voulez taxer les plus riches, moi je veux bien, sauf que les riches, ils sont riches et ils ont les moyens de partir. Donc, simplement faisons les payer quand l’argent ne tourne pas et incitons-les. Parce que la suppression de l’ISF a lieu seulement si l’argent est réinvesti dans de l’économie réelle. Si vous réinvestissez dans les entreprises pour avoir de l’emploi, à ce moment là, vous ne payez pas l’ISF, parce que le droit à l’emploi est tout de même dans la Constitution ! Ca évite que l’argent dorme sur des comptes d’assurance vie ou des choses comme ça. Une économie marche mieux quand l’argent circule. L’idéal n’est pas d’appauvrir les riches, mais de permettre aux pauvres de ne plus l’être. Et de vivre dignement de leur travail. C’est notre objectif !

Pour atteindre cet objectif, quelles seront les 3 mesures phrases ?

Elles seront dans l’éducation. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes sont éloignés de l’emploi et n’ont pas de job qui correspondent à leur formation. Il faut faire de l’apprentissage et la formation une priorité au coeur de notre politique d’éducation. Il faut par exemple permettre aux apprentis de faire un cursus Erasmus. Un apprenti ébéniste doit pouvoir aller faire un séjour à l’étranger s’il le souhaite. Il faut arrêter de considérer qu’il y a une formation qui est bien et une autre mauvaise. La formation professionnalisante doit être valorisée. Moi je trouve que le métier d’ébéniste est l’un des plus beaux métiers qui existe par exemple. J’aurais adoré faire ce genre de choses ! Pourquoi un artisan n’aurait pas le droit de partir en Allemagne faire un Erasmus ?

Le futur ministère de l’Education sera donc le plus gros poste de dépense de l’Etat si vous êtes élu ?

Oui, c’est 15 milliards d’euros ! Par conte, on appellera pas ça éducation, mais « Compétence ». Aujourd’hui, vous ne pouvez plus former les gens jusqu’à un diplôme quelqu’il soit et après ne plus les former. Il faut continuer à apprendre. Vous allez être formé toute votre vie, et c’est très bien. Y compris dans les emplois de fonctionnaire d’ailleurs. Il faut créer des passerelles. Ce n’est pas parce que vous êtes fonctionnaire dans le ministère de la Santé, que demain vous ne pourrez pas travailler dans un autre ministère, surtout si vous êtes sur un poste administratif. La société aujourd’hui est « multi-morphe » si je peux dire, et il faut s’adapter, il faut être capable d’être mobile et agile demain.

D’autres mesures phares à nous donner ?

Oui, faciliter l’embauche en simplifiant le code du travail, surtout pour que les PME puissent embaucher plus facilement. Je prends mon exemple personnel, j’ai une petite entreprise avec 3 apprentis. Chacun d’entre eux a un contrat différent. C’est très complexe à gérer. Si on harmonise et on simplifie tout ça, je pourrais davantage embaucher. C’est vraiment du bon sens !

Concernant les législatives, pouvez-nous dire si vous avez avancé sur les investitures ? Maurice Di Nocera (UDI) est pressenti dans la 5e circonscription, l’adjointe de Lisette Narducci, Dominique Giner dans la 4e, ou Christophe Masse (PS) dans la 3e ?

Aujourd’hui, sur les Bouches du Rhône, personne n’a eu son investiture et personne n’est pressenti ! On attend que la commission des investitures se prononce, elle est souveraine. Et c’est très bien ! C’est une nouvelle façon de faire de la politique.

Quand se réunira cette commission ?

Je ne sais pas encore. Vu le nombre de candidatures proposées et la qualité de certains dossiers, elle va avoir du mal à choisir ! Mon rôle en tant que référente d’En Marche dans le département a été de repérer les talents, notamment dans les quartiers Nord. Et, croyez moi, il y en a beaucoup ! J’en ai d’ailleurs marre qu’on parle des jeunes des quartiers toujours de façon péjorative, comme des zones sinistrées. Il y a, à cause de cela, beaucoup d’autocensure.

Quels profils se détachent dans les quartiers Nord ?

Il y a de tout ! Des gens qui ont fait des études commerciales, d’autres de longues études universitaires, etc, vous avez tous les profils mélangés. Moi, j’étais chargée de les repérer et de les soumettre à la commission qui décidera qui sera investi et où. Les 5 critères à respecter : non cumul des mandats, renouvellement par la société civile, probité, parité et équilibre.

Et vous, où vous voyez-vous dans quelques jours ? 

Je ne brigue rien du tout ! Je suis là pour faire le job et puis c’est tout.

Alors, après le 2e tour, vous rentrez chez vous ?

Ah ben non ! Après les élections, on continue. J’ai rencontré trop de gens pendant la campagne, notamment dans les quartiers Nord, alors maintenant on va construire. Et on peut le faire, parce que dans le mouvement, on a envie de faire beaucoup pour l’économie sociale et solidaire. J’ai fait venir Christophe Itier, référent National de l’économie sociale et solidaire pour En Marche à Marseille, et il m’a dit « Tu sais Corinne, on va faire des choses dans les quartiers Nord. L’économie sociale et solidaire va devenir quelque chose de rentable et on va offrir des emplois à tous les gens là bas« . J’ai dit d’accord, banco ! Donc, on laisse passer les élections et après on se met au boulot. On va s’appuyer sur ceux qui font le boulot, c’est à dire les associations, et vous allez voir, Marseille va se remettre en marche.

Un commentaire

  1. Bonjour Madame,

    Selon le journal « La Provence » vous recherchez des personnes bénévoles pour s’engager à tenir les bureaux de vote pour le dimanche 7 mai.
    Sachez que je suis prête à rendre ce service citoyen.
    Mes salutations
    Cécile HAYOT

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