Made in Marseille est un magazine en ligne participatif. Chacun d’entre vous peut nous envoyer ses articles, ses inspirations, ses photos pour faire vivre le site. Découvrez dans cet article, le récit d’une tranche de vie entre Marseille et Berlin, signé Claudia Wiese, étudiante à Sciences Po et récemment installée dans la cité phocéenne. 


Depuis quelques mois, je vis à Marseille à la recherche d’une vie plus tranquille qu’à Paris et de tous les clichés du Sud : soleil, plage et mer.

Lors de mon enfance dans les années 90, j’ai visité Marseille pour la première fois, mais je ne me souviens que vaguement de mon séjour. Seulement que mon père avait peur de garer sa voiture dans le 2e arrondissement, à La Joliette. A l’époque, un quartier un peu abandonné et obscur, surtout pour nous, venant d’un quartier très calme de Berlin.

Marseille, Récit de vie – Premières impressions de Marseille, aux yeux d’une Berlinoise, Made in Marseille
Les Docks de Marseille au coeur du quartier Joliette © DR

Avant de débarquer dans la capitale de la Méditerranée pour faire mon stage à la CMA-CGM, j’ai réalisé une petite enquête auprès de mes amis français sur la ville avec résultat assez mixte : une amie me déconseillait carrément d’y aller « Non, mais Marseille, c’est sale et surtout dangereux. En plus, il n’y a pas de boulot… Pourquoi tu ne rentres pas en Allemagne ? T’es bien payée là bas et pour les jeunes diplômés, il y a plein d’opportunités. » Puis, un autre : « Marseille ? C’est génial, la mer, la plage, les Calanques. Franchement, tu as de la chance, profites bien de ton stage là-bas et qui sait peut-être tu peux y rester après. » Ou bien : « Marseille, c’est vraiment cool, c’est un peu comme au Maroc, mais il faut faire gaffe surtout dans les quartiers Nord. » Mais, le plus intrigant, c’était un ami allemand qui m’expliquait : “Tu vas voir, Marseille te plaira. Au final c’est un peu comme à Berlin. Tranquille, une scène alternative très active et pleins de petits cafés très sympas avec des concepts très originaux. »

Marseille, mieux que Berlin ?

Pas satisfaite de mon enquête et surtout curieuse de savoir quelle ressemblance y avait-il entre Berlin et Marseille, je consultais Wikipédia, ce qui donnait :

Marseille, deuxième ville française avec 850 000 habitants, fondée par les anciens Grecs vers 600 av. J-C, longtemps avant Paris. Au passé comme aujourd’hui c’était l’un de des ports les plus importants de la France (2ème port de la France et 5ème de l’Europe). Au 19ème siècle la ville fleurissait, devenant le port le plus important de l’Europe avant Hambourg et Anvers, profitant pleinement de l’ouverture du canal de Suez en 1869. Entre 1870 et 1940, sa population passait de 300 000 à 600 000. Le déclin de Marseille commençait avec la deuxième guerre mondiale au cours de laquelle les Allemands détruisaient le quartier du Vieux Port. Puis après la guerre, une vague d’immigration menait à la construction des fameux quartiers Nord. La ville avait du mal à gérer l’immigration massive, qui s’accélérait encore plus avec les guerres d’indépendance des anciennes colonies françaises. En plus la ville souffrait de sa mauvaise réputation liée à la criminalité et le banditisme dont le meilleur exemple est la French Connection.

Seulement dans les années 1990, un tournant s’annonçait avec la connexion de Marseille au réseau du TGV, liant la ville en 3h30min à Paris, et l’initiation du projet Euroméditerranée de rénovation urbaine et développement économique. Grace à ce projet, les Marseillais bénéficient aujourd’hui du tramway, la régénération du deuxième arrondissement, notamment avec la construction du MUCEM, la rénovation des Docks et du Silo, la tour CMA-CGM. D’après Wikipédia, depuis le lancement d’Euroméditerranée, 800 nouvelles entreprises se sont implantées à Marseille, générant plus que 18 000 emplois . En plus, dans les années 1990, Marseille rayonnait avec sa scène de Hip-Hop dans toute l’Europe. Or encore aujourd’hui l’inégalité dans la ville est frappante : Selon une étude de l’Insee sur les Revenus fiscaux localisés des ménages de 2009, Marseille est une des villes les plus inégalitaires de la France avec un coefficient de Gini de 0,43 . C’est pourquoi d’après le sociologue André Donzel, la configuration urbaine de Marseille, rappelle celles « des configurations urbaines tiers-mondistes qui voient se côtoyer sur le même trottoir hyper riches et ultra pauvres.« 

Après avoir digéré toutes ces informations, je faisais mon premier bilan sur la ressemblance entre Marseille et Berlin. Tout comme Marseille, Berlin a connu ses meilleures années avant la deuxième guerre mondiale. Après, la ville était à moitié détruite et avec la construction du mur, peu d’investisseurs s’aventuraient dans la ville. Berlin de l’Ouest, un îlot perdu au milieu de la RDA, devenait une sorte de Mecque pour les pacifistes de toute l’Allemagne parce qu’il n’y fallait pas faire le service militaire. La ville subsistait grâce à des subventions et les prix de l’immobilier étaient très bon marché, permettant à de nombreux artistes de s’y installer. Seulement après la chute du mur, dans les années 1990, Berlin pouvait de nouveau se connecter au reste d’Allemagne et c’est à partir de ce moment que des vastes projets urbains ont été initiés. Aujourd’hui, Berlin profite de sa réputation de capitale de la musique électro et de ses nombreux artistes et créateurs dont le nombre a augmenté de 37% entre 1996 et 2006. Donc, comparer le développement urbain de Berlin et Marseille n’est pas entièrement faux.

Néanmoins, ni Wikipédia, ni mes amis ou encore mon bilan personnel ne pouvaient me préparer à ce qui m’attendait. Encore aujourd’hui je me souviens vivement de ma première soirée à Marseille, très emblématique des contrastes au sein de l’espace urbain, chaotique et multiculturelle. J’arrivais à Saint-Charles, une nuit en janvier. Pour mieux connaître mon nouvel environnement, j’avais l’idée merveilleuse de marcher de la station de train jusqu’à La Joliette où j’avais loué une chambre en colocation. Malgré l’hiver, il faisait assez chaud et donc pas mal de Marseillais étaient encore dans les rues. Avec mes deux valises lourdes, je passais par des rues plutôt lugubres et très sales, puis par la place d’Aix, étonnée par ces groupes d’hommes essayant de vendre de la contrebande. Partout j’entendais : « Cigarette, ma belle, cigarette ?« .

Au final, j’arrivais dans ma rue, épuisée et un peu sceptique à cause des rats et de ces jeunes hommes, vendeurs d’un vaste répertoire de stupéfiants de toute couleur et toute taille. Où est-ce que j’étais arrivée ici ? Un peu effrayée, je me sentais plutôt mal à l’aise. Mais une fois dans mon appartement, ma colocataire, une guinéenne vivant en France depuis sept années, m’accueillait chaleureusement avec une spécialité africaine : du riz avec du poulet et une sauce arachide délicieuse. Elle m’expliquait qu’il ne fallait pas se faire de soucis, que Marseille était une ville certes bizarre mais pas dangereuse, comme les dealers le laissaient croire, et que demain le monde serait déjà tout autre parce qu’à la lumière tout changerait. Et, elle avait raison.

Aujourd’hui après avoir passé cinq mois à Marseille, je me sens très à l’aise ici et c’est certainement lié au fait que Marseille ressemble à Berlin. La scène alternative autour du cours Julien me rappelle celle de Berlin, toutes les initiatives de démocratie directe, les cafés associatifs tel que le Manifesten ou artistique tel que le Waaw. Puis, les arrondissements sont très différents les uns des autres et chaque quartier a un centre propre à lui-même. On dirait que la ville, tout comme Berlin, est constituée de petits villages, tous différents les uns des autres.

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Une fresque géante dans le quartier du Panier

Rien que dans le 2e arrondissement, on trouve le nouveau quartier d’affaire très moderne autour de la Place de la Joliette, mais également le Panier, quartier historique de Marseille qui ressemble à un petit village charmant en plein milieu de la Provence, ou encore la Porte d’Aix avec son marché noir ouvert 24h/24…

« Marseille, c’est beaucoup plus sympa que Paris. Avec toutes ces constructions à moitié finies, ces terrains vagues et ces graffitis, elle ressemble à Berlin. Il y a ce côté un peu délaissé, mais également artistique. On peut voir très clairement le potentiel de cette ville qui en pleine mutation. C’est peut-être pour ça que l’on sent plus à l’aise ici. Tu as bien choisi ton nouveau lieu de travail« , comme me l’ont fait remarquer mes parents lorsqu’ils sont venus me rendre visite.

Marseille vs Berlin : des différences importantes

Mais, malgré ces similitudes apparentes, les deux villes présentent des différences majeures. D’une part, la Méditerranée donne un air exotique à Marseille, évoquant le savoir-vivre du Sud et les vacances…

Le cliché du Sud fait palpiter nos cœurs nord-européens plus rapidement et on est ébloui par l’arôme des pins autour de Notre Dame de la Garde, ainsi que la beauté des Calanques. Mais, il n’y a pas que ça… Il y a aussi le port qui en fait un hub clé du bassin méditerranéen, tandis que Berlin n’a même pas d’aéroport international – tous les vols de longue distance passe essentiellement par Francfort.

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Une épicerie du quartier Noailles

A Marseille on trouve partout ces lieux magiques comme le marché de Noailles, ressemblant à un bazar turc, réunissant dans un lieu toutes les cultures de la Méditerranée. Chaque fois que j’y vais, je me sens un peu comme dans un conte des « 1001 nuits » et je m’émerveille de cette énorme variété d’épices vendues par des commerçants toujours prêts à vous expliquer les meilleurs mélanges pour votre repas. Alors, même si les Berlinois adorent les marchés, on n’a absolument rien de semblable. Nous, on est spécialiste en marché aux puces, mais nos marchés de fruits et légumes sont plutôt petits et très chers.

Alors, Marseille, une deuxième Berlin au bord de la Méditerranée ? Non certainement pas, mais il y a des similitudes. C’est peut-être pour cela que j’ai décidé de prolonger mon séjour au delà de mon stage. La ville a conquis mon âme berlinoise avec son charme et ses contrastes, voir même ses imperfections telles que ses terrains vagues et graffitis. Ou comme la philosophe allemande Greta Lührs disait : « La grande ville attire par son imperfection. Elle héberge toute forme de pauvreté, de misère, de prospérité et de haute culture. Elle est formée par ces contrastes, tout comme elle attire et répugne en même temps.« 

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